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classe électorale et celle qui est réduite pour vivre à implorer la charité publique. Sur la liste des électeurs politiques dressée en 1836 pour le département de la Seine, 14,608 noms appartenaient aux douze arrondissemens de Paris ; 70,000 personnes au plus participent donc à cette aisance que peut faire supposer une contribution directe de 200 francs par famille. Beaucoup de rentiers, d’employés, d’artistes, nous dira-t-on, sont riches sans être électeurs ; mais aussi, combien d’hypothèques, de patentes aux abois, qui possèdent la capacité électorale sans offrir en réalité cette garantie de fortune que la société leur demande ! À ces chiffres, opposons la statistique de la population indigente.

En 1841, on a compté 29,282 ménages indigens, comprenant 66,487 individus[1]. C’était, comme aux derniers temps de la restauration, 1 pauvre sur 13 personnes. Les termes de cette proportion moyenne varient beaucoup entre les divers quartiers de Paris. On ne compte dans le 2e arrondissement qu’un indigent sur 33 habitans ; dans le 12e et le 8e, 1 personne sur 6 réclame comme un droit la charité publique. Le tiers de ceux qui meurent à Paris ne laissent pas de quoi se faire inhumer, et, sur 3 enterremens, il en est un dont l’administration doit supporter les frais. En voyant un jour de fête la foule insouciante et fièrement endimanchée, qui croirait qu’un individu sur 4 est condamné à rendre son dernier souffle dans un lit d’hôpital ? Telle est pourtant la proportion ordinaire des décès constatés dans les établissemens ouverts à la pauvreté. Quel logement peut-on obtenir pour un loyer de moins de 100 francs ? Un galetas dans une masure ! 18,000 ménages, composés de 2 à 3 personnes, n’ont pas d’autres habitations. Un très grand nombre d’ouvriers loge au jour le jour dans de misérables garnis, dont la location devient plus dispendieuse à la longue qu’un établissement salubre et convenable. Cette race nomade, évaluée, il y a dix ans, à 28,000 têtes, en comprend 12,000 de plus en raison de l’affluence déterminée par la grande entreprise des fortifications. Si la caisse d’épargne de Paris reçoit annuellement 40 millions,

  1. Le budget de l’administration des hospices pour 1843 déclare 35,582 ménages indigens, comprenant 19,567 hommes, 30,994 femmes, et 35,840 enfans, en total 86,401 individus. À ce compte, les personnes secourues en qualité d’indigens auraient augmenté en nombre de plus de 20 pour 100 en deux ans. Les administrateurs, comme effrayés de ce résultat, ont ajouté que ces derniers chiffres n’étaient pas d’une exactitude rigoureuse, et que le prochain recensement triennal, donnerait lieu à de nombreuses radiations. Il faut donc s’en tenir provisoirement à l’état détaillé de 1841.