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acceptant des chambres la mission de détruire lui-même son propre ouvrage, et sacrifiant ses convictions à des intérêts peu dignes de lui ; sans parler des influences que le ministère a subies dans la politique extérieure, influences qui ont souvent modifié ses plans de conduite, que d’exemples, dans la politique intérieure, ont prouvé sa dépendance et sa faiblesse ! Quel usage a-t-il fait de son initiative ? quelle réforme sérieuse a-t-il tentée ? quelle direction, quelle impulsion a-t-il donnée aux débats parlementaires ? Ses projets de loi, ses systèmes, comment les a-t-il soutenus ? Qu’on se rappelle les chemins de fer et la loi de l’instruction secondaire : quelles incertitudes, quelle timidité devant les chambres ! Tout le monde sait qu’à diverses époques le ministère a médité des mesures d’une assez grave importance les a-t-il exécutées ? A-t-il osé défendre ses convictions ? On sait l’histoire de la question douanière, du projet des ministres d’état et du banc des évêques ; on sait l’histoire publique et l’histoire secrète du projet de dotation : quels moyens le ministère a-t-il employés pour se tirer d’embarras après s’être un instant compromis ? Quelles voies tortueuses ! quel affaiblissement du pouvoir ! On a vu le ministère soutenir devant les chambres des projets de loi dont la majorité bouleversait tous les articles, et le ministère, à chaque modification nouvelle, prenait l’opinion de la majorité ; on l’a vu préparer de nouvelles lois, consulter ses amis sur les chances qu’elles pourraient avoir dans le parlement, puis les oublier, en parler de nouveau, et les oublier encore, selon que la majorité paraissait disposée ou non à les accueillir. Est-ce ainsi que l’on doit conduire les affaires d’un grand pays ? Mais, dira-t-on, pour agir autrement, il faut avoir une forte majorité. Nous tombons d’accord sur ce point, et nous n’avons jamais dit autre chose ; seulement, puisque le ministère, de l’aveu même de ses amis, n’a jamais eu cette majorité nécessaire pour gouverner dignement et utilement, pourquoi a-t-il conservé le pouvoir ? pourquoi le garde-t-il encore ? Quel attrait peut-il trouver dans une situation, qui le condamne à l’impuissance ?

Une seule affaire a été conduite dans ces derniers temps avec cet esprit de suite et cette vigueur qui sont le propre d’une administration maîtresse d’elle-même : c’est le gouvernement de l’Algérie. Là, point d’hésitation, point de faiblesse. Tout part d’un principe nettement défini, dont les conséquences se développent en pleine liberté. Est-ce au ministère, est-ce au maréchal Bugeaud que revient le principal honneur de ce progrès décisif qui assure l’avenir de notre occupation d’Afrique ? L’indépendance administrative du maréchal Bugeaud n’est un secret pour personne. Tout le monde sait que depuis trois ans il n’y a qu’une pensée en Algérie, c’est la sienne ; il n’y a qu’une volonté, c’est celle de son esprit ferme et convaincu ; il n’y a qu’une politique, c’est le système qu’il a créé, système qui fait l’admiration des hommes de guerre, et qui honore en même temps l’esprit civilisateur de notre époque. Lorsque la discussion des crédits de l’Afrique viendra aux chambres, nous examinerons ce système dans ses détails. Nous verrons alors quelle part le ministère peut revendiquer dans la gloire du maréchal Bugeaud.