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Mais revenons aux derniers débats de la chambre, si mal dirigés par le cabinet. La proposition de réforme dans les emplois publics, combattue plutôt qu’appuyée par le ministère, a été rejetée au scrutin à la majorité d’une voix. La réforme proposée soulevait des critiques justes. On pouvait lui reprocher de trop restreindre les choix, de poser d’une manière trop absolue le principe de la hiérarchie, de mettre une confiance excessive dans la garantie des examens et des diplômes. Néanmoins la proposition était un vaste sujet d’étude. Le ministère surtout pouvait en faire l’objet d’une discussion utile. C’est pour cette raison que nous lui reprochons l’indifférence qu’il a montrée. Du reste, sans le secours de plusieurs membres de l’extrême gauche qui ont repoussé la mesure comme une entrave à l’action du pouvoir, le ministère eût porté la peine de son insouciance. Il faudra désormais que l’extrême gauche lui prête son concours dans la défense des vrais principes du gouvernement.

Une autre épreuve a constaté la faiblesse parlementaire du cabinet. Deux votes sur la réforme postale ont montré de nouveau la chambre partagée en deux fractions égales, 129 contre 130, 170 contre 170. Une voix de plus du côté de l’opposition aurait fait triompher une réforme sage, utile, populaire, que le ministère a combattue. Nous respectons les scrupules de M. le ministre des finances. Gardien du trésor, il doit le défendre contre tous les changemens de tarifs qui tendraient à diminuer ses ressources : mais la prudence de M. Laplagne n’est-elle pas exagérée ? Est-il vrai qu’une diminution de moitié dans la taxe des lettres pourrait exposer le trésor à des pertes sensibles ? M. Laplagne a-t-il répondu à toutes les objections qu’on lui a faites ? L’exemple de l’Angleterre n’est-il pas plus rassurant qu’il ne pense ? Avec une taxe uniforme de 20 centimes, est-il chimérique de supposer que le nombre des lettres sera doublé en peu de temps, et que les revenus du trésor resteront intacts ? M. le ministre des finances a parlé avec sa lucidité et sa précision habituelles, mais nous doutons qu’il ait fait partager à beaucoup d’esprits ses convictions. Si le parti ministériel a repoussé la mesure, c’est qu’il a voulu sans doute éviter au cabinet un nouvel échec. Quoi qu’il en soit, faute d’une voix, la taxe excessive des lettres est maintenue. Un impôt qui est mal réparti, qui blesse le principe de l’égalité des charges publiques, qui nuit aux intérêts du commerce, qui est contraire au développement des relations sociales, est conservé dans toute sa rigueur. Une législation vicieuse reste debout. Il faut espérer que le gouvernement ne se méprendra pas sur les véritables dispositions de la chambre. Elle désire vivement une réforme. Si le ministère ne répondait pas à ce vœu, l’initiative parlementaire se montrerait de nouveau, et son triomphe serait assuré.

Les réformes administratives sont le besoin du jour. Elles sont ardemment souhaitées par le pays. Autant les innovations politiques ont peu de charme pour lui, autant il a de penchant pour celles dont le but est de perfectionner l’état social, de répandre le bien-être parmi les populations, d’encourager la moralité des classes pauvres, de répartir plus également les charges publiques, d’étendre et de fortifier l’action administrative. Voilà les réformes que