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respectait en lui ; ses hommes de mer, Blake, Penn et Goodson, toujours vainqueurs, donnaient la chasse aux Espagnols ; l’ambassadeur extraordinaire de Suède venait le complimenter en cérémonie, au milieu de ses gardes-du-corps « en uniforme gris à revers de velours noir ; » toutes les populations méridionales reculaient de terreur à son nom. Il aurait voulu profiter de la circonstance pour former définitivement sa grande ligue du Nord, celle que les Nassau avaient préparée, la ligue du Nord protestant ; le temps n’était pas venu, les évènemens n’étaient pas mûrs. Il était réservé à Guillaume III d’achever cette œuvre redoutable, dont Louis XIV a senti les premières atteintes et Napoléon les derniers coups.

Cependant l’Irlande remuait, et le fils de Cromwell avait à y combattre la révolte, l’anarchie, et de trop justes rancunes. Le protecteur lui écrivit :


Pour mon fils Henri Crom2cell à Dublin, Irlande.

« Whitehall, 21 novembre 1655.

« MON FILS,

J’ai vu votre lettre à M. le secrétaire Thurloe, et j’y vois la conduite de quelques personnes qui sont auprès de vous, tant vis-à-vis de vous-même que dans les affaires publiques.

Je suis persuadé qu’il peut y avoir quelques personnes qui ne sont pas très satisfaites du présent état de choses, et qui saisissent volontiers les occasions de manifester leur mécontentement ; mais cela ne devrait pas faire trop d’impression sur vous. Le temps et la patience peuvent les conduire à une meilleure disposition d’esprit, et les amener à reconnaître ce qui, pour le présent, semble leur être caché, particulièrement s’ils voient votre modération et votre amour pour eux, quand ils se trouvent dans des sentimens inverses à votre égard. Je vous engage sérieusement à vous appliquer à cela ; faites tous les efforts qui sont en vous. Vous et moi, nous recueillerons le fruit de votre manière d’agir, quels qu’en soient l’issue et l’événement.

« Quant au secours que vous demandez, il y a long-temps que j’y pense, et je ne manquerai pas de vous envoyer un nouveau renfort au conseil, aussitôt qu’il pourra se trouver des hommes qui conviendront à ce poste. Je pense aussi à vous envoyer une personne capable de commander le nord de l’Irlande, pays qui, je le crois, en a grand besoin ; je crois comme vous que Trevor et le colonel Mervin sont des hommes très dangereux, et qui pourraient devenir les chefs d’une nouvelle rébellion. C’est pourquoi je vous engage à changer le siége du conseil, afin qu’il soit à l’abri dans quelque localité sure ; plus loin ces hommes seront de leur propre localité, mieux cela vaudra.

« Je vous recommande au Seigneur et suis votre père affectionné,

« OLIVIER P. »