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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 14.djvu/237

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les conséquences qu’ils renfermaient. Gall rendit un éminent service à la physiologie cérébrale quand il plaça dans le cerveau non-seulement toutes les facultés, mais encore tous les instincts et toutes les passions. Une très ancienne doctrine, dont Aristote fut le défenseur, attribuait à d’autres organes diverses fonctions de la sensibilité. On avait départi à la poitrine et au ventre une part du moral. Or, rien n’était plus contraire à toute saine notion des tissus et de leurs fonctions, que de placer le siége des passions dans un viscère musculeux comme le cœur, et dans des viscères celluleux comme le foie et la rate ; c’était unir des choses incompatibles, confondre les propriétés, et commettre en physiologie une faute comparable à celle que commettaient en histoire naturelle les peintres et les poètes, quand ils mettaient une tête d’homme sur un corps d’oiseau. Là, Gall fut complètement dans le vrai. Quant à la localisation des facultés dans le cerveau, c’est une autre question. Je ne puis en dire que ce que j’ai dit de la gastro-entérite de Broussais, à savoir que c’était une hypothèse provisoire destinée à diriger les recherches et à être vérifiée ou rejetée par les faits. Or, les faits et la critique qui s’en est suivie n’ont pas été favorables, et il n’est pas une seule des localisations de Gall qui ait soutenu l’épreuve. Quelle qu’ait été, à lui, son opinion sur sa propre conception, pour nous ce n’est pas autre chose qu’une supposition indiquant une manière de traiter la physiologie cérébrale. Et déjà des mains plus sûres, poursuivant dans le cerveau le prolongement des nerfs, ont indiqué la région où s’arrêtent les sensations, et réservé d’autres parties aux facultés intellectuelles et affectives, traçant ainsi des localisations qui n’ont plus rien d’hypothétique. Gall a signalé le but, mais ne l’a pas atteint. Ce qu’on peut reprocher à ces deux hommes célèbres, Gall et Broussais, qui ont si puissamment influé sur le mouvement scientifique, c’est de n’avoir point eu une vue claire de leurs propres conceptions, et de n’avoir pas donné fermement comme une hypothèse ce qui, dans le fait, n’était qu’une hypothèse. Leur procédé, s’ils l’eussent ainsi conçu, eût été nettement scientifique. Des suppositions susceptibles d’être vérifiées sont toujours légitimes, et quand elles résultent, comme celles de Gall et de Broussais, d’une appréciation exacte du problème, elles interviennent dans la direction des idées, et, bien qu’improductives par elles-mêmes, elles fécondent pourtant le champ de la science.


VIII. — DE LA GÉNÉRATION.

L’histoire de la génération clôt l’ouvrage de M. Müller. C’est la fonction par laquelle il y a des espèces, et qui, à côté de l’existence individuelle, établit une existence collective. Grace à elle, stat fortuna domus, et avi numerantur avorum ; grace à elle, la vie soutient sur l’abîme du temps les races animées, comme la gravitation soutient sur l’abîme de l’espace