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CONCLUSION
Résumé sur l’ensemble de cette époque littéraire. — Bernardin de Saint-Pierre, Mme de Staël et Chateaubriand. — Les Méditations de Lamartine et l’Indifférence de Lamennais. — Les deux Poésies en présence.

Après avoir été chargé quelque temps d’un cours d’histoire au collége de Charlemagne et à celui d’Henri IV, Charles Labitte avait été envoyé à la faculté de Rennes par M. Cousin (avril 1840), pour y remplir, provisoirement d’abord, la chaire de littérature étrangère, dont il devint plus tard titulaire. Ses études, déjà si étendues, durent à l’instant s’élargir encore ; il fallut suffire en peu de semaines à ces nouvelles fonctions, et faire face à un enseignement imprévu. Ces brusques et vigoureuses expéditions, où l’on pousse à toute bride la pensée, sont comme la guerre, et elles dévorent aussi bien des esprits. Le jeune professeur partit pour Rennes, non sans s’être auparavant muni des conseils et des bons secours de M. Fauriel, le maître et le guide par excellence en ces domaines étrangers. Du premier jour, il aborda résolument son sujet par les hauteurs et par les sources, c’est-à-dire par Dante et par les origines de la Divine Comédie. On a le résultat de ces leçons dans un curieux travail (la Divine Comédie avant Dante[1], où il expose toutes les visions mystiques analogues, tirées des légendaires et agiographes les plus obscurs. M. Ozanam et lui semblaient s’être piqués d’émulation pour creuser et épuiser la veine étrange. On a dit de cette spirituelle dissertation, devenue l’une des préfaces naturelles du pèlerinage dantesque, que c’était une histoire complète de l’infini tel qu’on se le figurait en ces âges crépusculaires : « Hélas ![2] trois ans à peine s’étaient écoulés, et lui-même allait être initié à ces secrets de la mort, où il semble que, par un triste pressentiment, il s’était plu à s’arrêter avec une curiosité mélancolique. » Il allait savoir le dernier mot (s’il est permis !) de la vie terrestre, de cette sorte de vision aussi qu’on a non moins justement appelée le songe incompréhensible.

Obligé, d’après les conditions universitaires, d’obtenir le grade de docteur ès-lettres, Charles Labitte prit pour sujet de thèse une période fameuse de notre histoire politique, qui s’étendit aussitôt sous sa plume jusqu’à former le volume intitulé : De la Démocratie chez les Prédicateurs de la Ligue (1841). En s’arrêtant à ce choix ingénieux et qui n’était pas sans à-propos dans le voisinage de la Sorbonne, l’auteur ne faisait qu’isoler et développer une des branches de cet ancien premier travail, resté inachevé, sur les sermonnaires. C’en était peut-être le plus piquant épisode,

  1. Revue des Deux Mondes, livraison du 1er septembre 1842.
  2. J’emprunte ici les paroles de M. Charles Louandre, dans son article du Journal d’Abbeville (30 septembre 1845).