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du directoire, et lord Malmesbury, dans la première négociation, ne s’étaient pas terminées assez poliment pour qu’il fût très agréable à aucun de ces deux personnages de se retrouver mutuellement en présence. Le directoire crut même devoir exprimer au gouvernement anglais l’opinion qu’un autre choix que celui de lord Malmesbury lui eût paru d’un plus heureux augure pour le succès de la négociation. Toutefois le gouvernement anglais s’en tint à sa première résolution, et d’ailleurs cette difficulté personnelle se trouva aplanie par le choix de la ville de Lille pour siège des conférences. Lord Malmesbury n’eut ainsi affaire qu’à des commissaires, et non à Delacroix lui-même.

Les commissaires du directoire étaient Letourneur, l’amiral Pléville le Peley et Maret, depuis duc de Bassano : le secrétaire de la commission, assistant aux séances, était Colchen ; mais on verra plus tard que la véritable négociation fut une négociation secrète qui s’engagea entre le ministre britannique et Maret, qui était le représentant et l’organe de la portion pacifique du directoire.

Lord Malmesbury avait comme attachés à sa mission M. George Ellis, lord G. Leveson, depuis lord Granville, et long-temps ambassadeur à Paris, et M. Wellesley, aujourd’hui lord Cowley et ambassadeur à Paris.

Cette fois, lord Malmesbury fut mieux reçu qu’il ne l’avait été la première, lors de son voyage à Paris. Les autorités des différentes villes par lesquelles il passa vinrent au-devant de lui pour le complimenter, et dès la première conférence les commissaires tinrent le langage le plus conciliant, et exprimèrent le désir et l’espoir d’arriver à une heureuse conclusion.

Les bases des propositions de l’Angleterre étaient celles-ci. Lord Malmesbury passait cette fois sous silence, comme faits accomplis, les conquêtes de la France en Belgique, en Allemagne, en Italie ; il offrait la restitution des colonies françaises prises par les Anglais. D’un autre côté, il demandait, à titre de compensation, la cession de quelques-unes des colonies prises par l’Angleterre à l’Espagne et à la Hollande, alliées de la France, la Trinité, le Cap, Trinquemale, Ceylan, Cochin ; il demandait en outre qu’une indemnité fût donnée au prince d’Orange, et que le Portugal, l’allié de l’Angleterre, fût compris dans le traité.

Les commissaires français commencèrent par poser des conditions qui faillirent rompre la négociation. Ils demandèrent d’abord que les souverains de la Grande-Bretagne renonçassent à prendre le titre de rois de France, qui se trouvait précisément dans le préambule du traité. Ce n’était, il est vrai, qu’un vain titre, et dans les traités avec la France on insérait habituellement un article séparé pour déclarer que ce titre n’impliquait aucun droit ; néanmoins les commissaires insistaient pour qui il fût effacé.