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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/1018

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tels que Pasco, Huancavelica et Micuicampa. On y touche de la main les neiges éternelles. C’est la Sibérie sous l’équateur, la Sibérie avec les orages de la zone torride, la Sibérie dépouillée de ses immenses forêts si précieuses pour la métallurgie, la Sibérie sans ses fleuves, condamnée à une perpétuelle stérilité, si ce n’est dans quelques rares quebradas, vallons creux et abrités où l’on cultive l’orge et les pommes de terre. La petite ville péruvienne de Micuicampa est à 3,618 mètres au-dessus de la mer. C’est 200 mètres plus haut que le pic de Néthou, le plus élevé des Pyrénées ; presque toutes les nuits, le thermomètre y descend au point de la congélation, ce qui n’arrive jamais à Tobolsk et dans le reste de la Russie boréale tout le long des mois d’été ; la riche mine de Gualgayoc qui l’avoisine est à 4,080 mètres. Les mines de Pasco, qui sont d’une richesse prodigieuse, mais les plus mal travaillées de la terré, sont de même à plus de 4,000 mètres d’élévation ; c’est la hauteur de la Yung-Frau. La mine du Potosi s’exploitait à une élévation supérieure au Mont-Blanc lui-même, le roi des Alpes. Ainsi une différence de niveau de 1,500 à 2,000 mètres suffit pour que le Pérou, avec une richesse métallurgique intrinsèquement égale ou supérieure, ait, relativement au Mexique, pour l’extraction de l’argent, un désavantage que l’industrie humaine n’écartera qu’avec de très énergiques efforts long-temps soutenus, si jamais elle y parvient, et l’énergie est ce qu’il faut le moins demander aux Péruviens modernes.

La ville de Pasco réunit pourtant aujourd’hui, au milieu de ces affreux climats, plus de 18,000 ames ; mais quelle existence y mène-t-on, et que n’y coûtent pas les choses ! Un voyageur, qui récemment a parcouru ce pays et qui a décrit en termes expressifs le détestable système d’exploitation qu’on applique à ces filons sans nombre, si cela peut s’appeler un système, le docteur Tschudi, rapporte qu’il lui est arrivé de payer à Pasco, pour la nourriture d’un cheval, 2 à 3 piastres par jour (11 à 16 francs).

Dans les climats excessifs, l’homme est enclin à rechercher les excès. A moins d’être d’une nature fortement trempée, il lui est impossible de se tenir dans une situation d’ame qui convienne à des entreprises difficiles, pour le succès desquelles il faut de l’esprit d’ordre et de suite, beaucoup de prévoyance, d’activité et de savoir.

Les mauvais traitemens qu’on infligeait aux Indiens du Pérou sous le régime colonial, et dont les blancs ont consacré l’habitude, s’opposent à l’extension et à l’amélioration de l’industrie des mines dans la république péruvienne, malgré les modifications libérales et équitables qu’a reçues la lettre de la loi depuis l’indépendance. Les indigènes du Pérou ont constamment été traités avec plus d’indignité que ceux du Mexique. Les traditions de Cortez et celles de Pizarre n’étaient pas les mêmes : non que Cortez ait été humain, du moins envers les chefs des nations qu’il