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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/21

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celle du ciel ? Me damnerais-tu parce que je l’ai poursuivie, parce que j’ai souffert pour elle jusqu’à devenir le jouet de Satan ?

UN MAUVAIS ESPRIT.

Frères, écoutez, écoutez…

LE MARI.

Déjà sonne ma dernière heure ; la tempête augmente ; la mer monte, monte toujours sur les rochers… elle arrive jusqu’à moi. Une force invisible me pousse toujours plus loin… des tourbillons de spectres montés sur mes épaules me traînent vers le précipice.

UN MAUVAIS ESPRIT.

Frères, réjouissez-vous, réjouissez-vous !

LE MARI.

La lutte est inutile ; le vertige de l’abîme me saisit. Ah ! maintenant mon ame voit clair. Mon Dieu, mon Dieu ! ton ennemi serait-il victorieux ?

L’ANGE GARDIEN, au-dessus de la mer.
Paix aux vagues ; mer, calme-toi.
L’eau sainte coule dans ce moment sur la tête de ton enfant.
Retourne chez toi, et ne pèche plus.
Retourne à ton enfant, et aime-le.
Le salon où est le piano. — Le mari entre. — Les domestiques le suivent, portant des lumières[1].
LE COMTE.

Où donc est madame ?

LE DOMESTIQUE.

Mme la comtesse est indisposée, monsieur le comte.

LE COMTE.

Comment ! Mais elle n’est pas dans sa chambre.

LE DOMESTIQUE.

Mme la comtesse n’est plus ici.

LE COMTE.

Et où est-elle ?

LE DOMESTIQUE.

Elle est partie hier.

LE COMTE.

Pour quel endroit ?

LE DOMESTIQUE.

Pour une maison de fous. (Le domestique s’éloigne.)

LE COMTE.

Est-il possible ? Marie, peut-être te caches-tu ? Tu as voulu me punir ainsi… Mais ce serait horrible…

Il n’y a personne ; la maison est abandonnée !

  1. Toute cette partie du drame expose et développe la vie domestique du mari, qui vient pour ainsi dire se clore dans cette dernière scène. Donc, à partir de cette scène, LE MARI ne s’appellera plus que LE COMTE.