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le commandement de la flotte de la Méditerranée, quand il crut devoir, avant de partir, adresser de nouvelles remontrances à l’amirauté sur l’insuffisance des forces entretenues dans cette station. Son insistance excita un tel mécontentement dans le conseil, que le 2 mai il reçut, de la façon la plus inattendue, l’ordre d’amener son pavillon, qui ne fut jamais rehissé depuis cette époque. L’amiral sir John Jervis fut nommé pour lui succéder, et partit pour la Méditerranée le 11 novembre 1795. Le commandement de la flotte anglaise resta donc pendant plus d’une année entre les mains du vice-amiral Hotham, qui ne l’avait reçu que d’une manière provisoire, et il est probable que cet officier l’eût conservé définitivement, s’il eût su se montrer à la hauteur d’une tâche qui était réellement au-dessus de ses forces.


« Hotham, écrivait Nelson, est assurément le meilleur homme qu’on puisse voir, mais il prend les choses trop philosophiquement. Il faudrait ici un homme actif et entreprenant, et il n’est ni l’un ni l’autre. Pourvu que chaque mois se passe sans que nous ayons de notre côté essuyé aucune perte, il se tient pour satisfait. Sous aucun rapport, il n’est comparable à lord Hood. Ce dernier est vraiment l’officier le plus remarquable que j’aie connu. Lord Howe est certainement un officier d’un rare mérite pour conduire et diriger une flotte, mais c’est tout. Lord Hood est également supérieur dans toutes les positions où puisse se trouver un amiral. »


Jusqu’au moment où Nelson connut l’amiral Jervis, lord Hood paraît avoir réalisé à ses yeux l’idéal du commandant en chef. Aussi apprit-il avec indignation la brusque destitution dont cet amiral venait d’être l’objet. « Oh ! misérable amirauté ! écrivait-il à son frère ; ces gens-là ont obligé le premier officier de notre marine à quitter son commandement. L’ancienne amirauté peut avoir causé la perte de quelques bâtimens de commerce par son inertie et sa négligence ; celle-ci a compromis toute une flotte de bâtimens de guerre. L’absence de lord Hood est une calamité nationale. »

Les réclamations de lord Hood avaient été présentées avec une vivacité qu’il regretta plus tard, mais elles étaient fondées. L’escadre qu’il avait laissée à l’amiral Hotham était en effet dépourvue de tout, et la plupart de ses vaisseaux auraient eu besoin de rentrer au port pour s’y refaire et s’y réparer. Jetée à une si grande distance de l’Angleterre, qu’elle devait redouter une victoire incomplète presque à l’égal d’un revers, par l’impossibilité où elle se fût trouvée après cette victoire de remplacer les mâts qu’elle eût perdus[1], cette flotte avait, en présence de l’alliance déjà douteuse de l’Espagne, la Corse à défendre, les Autrichiens

  1. C’était l’opinion de Nelson lui-même et la meilleure preuve des chances favorables avec lesquelles nous pourrons toujours soutenir une guerre maritime dans ce bassin de la Méditerranée compris entre l’Afrique et la France, l’Espagne et les îles de Corse et de Sardaigne.