Ainsi réduite au même nombre de vaisseaux que l’escadre anglaise, notre flotte avait le désavantage de ne compter dans ses rangs qu’un seul trois-ponts, le Sans-Culotte (et encore ce vaisseau fut-il obligé, par les avaries qu’il éprouva le lendemain, de quitter son poste pendant la nuit du 13 au 14 mars et d’aller se réfugier à Gênes), tandis que l’amiral Hotham, dont le pavillon flottait à bord d’un vaisseau de 100 canons, le Britannia, avait en outre trois vaisseaux de 98 sous ses ordres. Il est vrai que, si la présence de ces vaisseaux contribuait à donner à l’escadre anglaise une apparence formidable, elle avait aussi pour résultat de retarder et d’embarrasser tous ses mouvemens, ces vaisseaux étant de très mauvais marcheurs en général, et obligeant les 74 à diminuer de voiles pour les attendre. L’amiral Martin se trouvait donc à peu près le maître de chercher ou de fuir un engagement. Les instructions de la convention lui recommandaient, dit-on, de ne pas éviter le combat, et, en effet, le 12 mars, quand il avait, pour la première fois, aperçu l’ennemi sous le vent de son escadre, il avait résolûment laissé arriver sur sa ligne de bataille, comme s’il eût été décidé à en venir immédiatement aux mains ; mais la séparation du vaisseau le Mercure et la vue des quatre trois-ponts rangés sous le pavillon de l’amiral Hotham ébranlèrent sa résolution, et, encore incertain s’il se retirerait devant l’escadre anglaise ou s’il prendrait l’offensive, il passa la nuit du 12 au 13 mars à petite distance de la ligne ennemie, qui, placée sous le vent, tenait ses feux allumés, et semblait moins poursuivre notre escadre que l’attendre. Le 13 cependant, au point du jour, l’amiral Hotham se décida à signaler à ses vaisseaux de chasser en avant et d’augmenter de voiles. À huit heures du matin, le vaisseau français de 80 le Ça ira, commandé par le capitaine Coudé, aborda le vaisseau qui le précédait et perdit ses deux mâts de hune. Rapproché comme il l’était alors de l’avant-garde anglaise, ce vaisseau ainsi désemparé se trouvait gravement compromis, et une des frégates ennemies, l’Inconstant, commençait déjà à le canonner, quand une de nos frégates, la Vestale, laissant arriver sur lui, le prit à la remorque, malgré l’approche du vaisseau l’Agamemnon, qui s’avançait alors sous toutes voiles. Nelson avait témoigné l’intention de n’ouvrir son feu que lorsqu’il serait à bout portant du Ça ira ; mais ce vaisseau parut tirer avec tant de précision ses canons de retraite, les seuls qu’il pût diriger contre l’Agamennon, que Nelson, ne voyant point autour de lui d’autres vaisseaux qui pussent le soutenir, s’il venait à être démâté, jugea prudent de ne point se présenter sous la volée d’un aussi redoutable antagoniste. Manœuvrant avec beaucoup de sang-froid et d’habileté, comme on le peut faire quand on commande un bon vaisseau et un équipage exercé, il eut soin de se tenir par la hanche du Ça ira, et profita de sa marche supérieure pour lui envoyer, dans de fréquentes arrivées, des bordées