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LA VOIX DE LA FILLE.

Je vole dans tes bras, ô mon bien-aimé !

UNE AUTRE VOIX.

Regarde, vers toi je tends mes bras. Je tombe dans mon ivresse, dans mon délire je me roule sur les dalles, ô toi que j’aime !

LE COMTE.

Les cheveux épars, la poitrine haletante, elle se cramponne sur les décombres au milieu des convulsions.

LE NÉOPHYTE.

Cela se passe ainsi toutes les nuits.

LÉONARD.

A moi, à moi délices et béatitudes que j’ai rêvées ! à moi, fille de la liberté ! Tu tressailles dans tes élans divins. O inspiration ! embrase mon ame. Vous tous, écoutez-moi ; je vais prophétiser.

LE COMTE.

La malheureuse laisse tomber sa tête ; elle s’évanouit.

LÉONARD.

Tous deux nous sommes l’image du genre humain, mais libre et ressuscitant dans sa gloire. Regardez : nous voilà debout sur les décombres, sur les ruines du passé. Nous avons posé notre pied sur le vieux Dieu. Gloire à nous ! nous l’avons anéanti ; aujourd’hui il n’est plus que poussière. Son esprit a été vaincu par le nôtre ; son esprit est descendu dans le néant.

CHOEUR DES FEMMES.

Bienheureuse, bienheureuse l’amante du prophète ! Nous autres en bas, sommes jalouses de sa gloire.

LÉONARD.

J’annonce un monde nouveau ; à un nouveau dieu je donne le ciel. Seigneur, dispensateur suprême du bonheur et des plaisirs, Dieu du peuple, que chaque victime de notre haine, que chaque cadavre de tyran devienne ton autel ! C’est dans un océan de sang que se noieront les vieilles larmes et les souffrances du genre humain. A partir d’aujourd’hui, sa vie sera le bonheur ; son droit, l’égalité ; et celui qui voudrait en créer d’autres, à celui-là la corde et l’anathème !

CHOEUR D’HOMMES.

Cet édifice de l’oppression et de l’orgueil s’est enfin écroulé. A celui qui oserait soulever un seul fragment de ces décombres, à celui-là la mort et l’anathème !

LE NÉOPHYTE, à part.

Blasphémateurs de Jéhovah, trois fois je crache sur vous, sur votre perte !

LE COMTE.

O mon aigle ! réalise tes promesses, et sur leurs ossemens je bâtirai pour le Christ une nouvelle église.

VOIX DIVERSES.

Liberté ! bonheur ! Hourra ! hourra ! hourra !

CHOEUR DES PRÊTRES.

Où sont maintenant les seigneurs ? où sont les rois qui naguère se promenaient, pleins de colère et d’orgueil, avec leurs sceptres et leurs couronnes ?