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du talent et de la moralité, multiplié les relations entre les peuples, stimulé le travail, contribué à former les langues et souvent à contenir le débordement de théories funestes. C’est par l’université de Paris que la France a dominé le mouvement intellectuel du moyen-âge, c’est par les académies qu’elle domine encore aujourd’hui le mouvement scientifique. Les annales, et ce qu’on pourrait appeler la biographie des corps savans, occupent dans notre histoire littéraire une large place. On a fait de longues dissertations pour en démontrer l’importance ; on a fait des épigrammes plus ou moins piquantes pour en prouver l’inutilité. Aujourd’hui les panégyriques comme les satires ont fait leur temps. C’est en dressant la statistique des corps savans, c’est en écrivant leur histoire qu’on les critique et qu’on les loue.

Sans remonter jusqu’à l’histoire de Pelisson ou jusqu’à celle de Fontenelle, qu’on réimprime toujours et que probablement on ne fera jamais oublier ; sans parler des travaux de Jarckius sur les académies italiennes, du recueil trop peu connu de Sérieys ou du répertoire de Reuss, nous avons vu paraître dans ces dernières années un grand nombre d’ouvrages uniquement consacrés aux sociétés savantes. Quelques-unes d’entre elles écrivent leur histoire ; elles publient des mémoires, des journaux ; enfin le gouvernement vient de leur consacrer un Annuaire, qui se continuera régulièrement et dans lequel sera consignée l’analyse de leurs travaux. Le nombre de ces sociétés s’est accru dans une proportion vraiment notable ; il y a donc intérêt, nous le pensons, à dresser une sorte de statistique de la France académique, à chercher ce que les associations qui ont pour but l’étude des lettres, des sciences, de l’économie politique, agricole, industrielle, ont fait pour la cause du progrès sérieux. Le sujet est neuf, et pour faire mieux comprendre le mouvement de ces dernières années, les révolutions profondes qui s’accomplissent insensiblement dans les paisibles domaines de l’intelligence, nous remonterons jusqu’aux origines.

A l’heure où les premières ombres de la nuit descendaient sur les promontoires, de la Grèce, les penseurs d’Athènes s’assemblaient sous les beaux ombrages des jardins d’Acadème. Là on parlait des dieux, de l’ame, de la nature, et tout citoyen libre, eût-il même un manteau troué, pouvait s’asseoir, pour écouter, sur un bloc de marbre et toucher la main du maître. Ces membres de l’institut grec ne travaillaient point à la confection du lexique, et ils laissaient à la république le soin de donner les prix de vertu. Supérieurs à toutes les intrigues, occupés seulement de la recherche de la vérité, et par cela même plus grands que tous ceux qui les ont suivis, ils ont laissé comme souvenir de leur passage sur cette terre un nom emprunté à leur belle langue pour nommer dans tous les âges les associations formées par les philosophes et les savans.

L’Égypte monarchique, comme la Grèce républicaine, eut ses académies. Ptolémée Soter avait, fondé à Alexandrie, un institut célèbre dans le quartier du Brucchium, au voisinage de la célèbre bibliothèque. Ici déjà on s’éloigne de la sagesse et de l’indépendance antique, on touche à l’académie royale. Les membres de l’institut du Brucchium sont pavés par le prince, logés par lui. Ils ont une promenade, une salle commune pour prendre leurs repas, et pour tenir leurs conférences une autre salle garnie de sièges numérotés. Rome s’écarte encore plus qu’Alexandrie de la tradition d’Athènes. Elle emprunte, dans son déclin, à la Grèce et à l’Égypte, la mode des réunions scientifiques et littéraires ; mais les