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qui puisse racheter un instant de trahison. » — « Le châtiment d’un franc vaurien, disait-il souvent, est sans utilité, car il ne peut servir d’exemple ; où en serions-nous donc si la bonne réputation d’un coupable pouvait lui assurer l’impunité ? »

Les circonstances étaient graves quand lord Jervis s’exprimait ainsi, et peut-être exigeaient-elles impérieusement ces extrêmes rigueurs ; cependant, il faut le reconnaître, malgré l’étendue des services que le comte de Saint-Vincent a rendus à son pays, il fut heureux pour l’Angleterre que le sort eût placé derrière lui Nelson et Collingwood. Ces natures inflexibles provoquent mal aux grandes choses ; elles humilient trop la volonté humaine pour ne pas lui ravir un peu de son élan et de son énergie. Il appartenait à l’amiral Jervis d’organiser la marine anglaise et d’y faire pénétrer, à force de vigueur et de persévérance, ces doctrines absolues et rigoureuses en dehors desquelles il n’entrevoyait que confusion et désordre. Dans un temps où l’insurrection avait fait flotter le drapeau rouge sous les yeux mêmes de l’amirauté, et contraint le parlement à compter avec elle, il avait consommé sa victoire par un dernier triomphe, et raffermi sur sa base la discipline ébranlées ; sa tâche était remplie. Il fallait maintenant des chefs plus populaires pour faire face aux péripéties qui se préparaient. Grace à Jervis, la puissance de la marine anglaise était fondée : Nelson et Collingwood allaient la mettre en œuvre.


E. Jurien de La Gravière.