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Page:Revue des Deux Mondes - 1846 - tome 16.djvu/922

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on le berça dans le jeune âge. — Il aime, quand il voit tout verdoyer, — homme fait, d’aller rêver - sur le gazon moelleux qu’il foula tout enfant. »

… L’homme sagé n’es pas atal ;
Aymo toutjour lou biel oustal
Oùn lou bresseron al jouyne atgé.
Aymo, quand bey tout berdeja,
Home fèy, d’ana saouneja.
Sul gazoun tout mouflet que traouillèt tout maynatgé.


Une pièce récente de Jasmin et qui n’a reçu encore qu’une demi-publicité est le plus beau fruit peut-être de cette inspiration. Je veux parler d’un morceau adressé à une dame, et intitulé Ma Vigneè (Ma Bigno). Le poète agenais n’envisage pas le sujet comme l’eût fait sans doute Anacréon. Qu’on ne s’effraie pas du titre qui sent le caveau, Cette vigne existe bien réellement. Jasmin l’a achetée à Agen avec un peu de cet argent que la poésie a amené dans sa boutique ; et, comme il le dit, sa muse s’est faite ainsi propriétaire, — fazendèro, mot qu’on ne peut rendre. — Elle est bien petite ; il en faudrait cent comme cela pour faire une lieue ; telle qu’elle est pourtant, il la rêva vingt ans ; elle est sa joie ; il compte les arbres, les ceps de vigne, il vante les fruits surtout, et de là il arrive à faire la plus riche description du pays :

… Dins lo nord abès de grandes caouzos,
De gleizos de palays que mounton haou, bien haou,
Et lou trabal de l’homme ès may bel chè bous-aou ;
Mais benès fa quatre ou cinq paouzos
Sus bors de la Garono ; as bès jours de l’estiou,
Beyrès que lou trabal de Diou
En lot n’es tan bel coumo aciou !
Abèn de rocs bestits en belours que berdejon,
De planos que toutjour daouregon,
De coumbos oun bebèn un ayre sanitous ;
Et quand nous passejan, partout traouillan de flous !
La campagno à Paris, a bé flous et pelouzo
Mais és trop grando damo, es tristo, droumillouzo ;
Aci, milo oustalets rizon sul hors d’un riou ;
Nostre ciel es rizen, tout s’amuzo, tout biou !
Dunpey lou mes de may, quand lou bel ten s’atindo,
Penden sies mes dins i’ayre une musico tindo ;
A milo roussignols cent pastous fan rampeou ;
Et touts canton l’amou, l’amou qu’es toutjour neou ;
Bostre gran-opera surprés fayo silenço
Quand lou jour de la nèy esquisso lou ridèou,
Et que debat un cièl que s’alumo talèou,