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En se déposant ainsi peu à peu, la roche sédimentaire a retenu et englobé dans sa masse de petits cailloux isolés, et parfois aussi des débris de l’industrie humaine. C’est là un fait important, et qui, réuni à d’autres de même nature, explique en les condamnant les opinions de quelques géologues qui ont voulu faire remonter à une époque trop reculée l’apparition de l’homme à la surface du globe. La roche sédimentaire de Milazzo est d’une structure très compacte ; elle égale au moins en dureté le calcaire primitif qu’elle recouvre, et il serait facile de les confondre au premier coup d’œil. En retrouvant dans la roche de formation récente des fragmens de briques et de poteries, on pourrait donc être amené à regarder ces restes comme contemporains des calcaires mêmes, si l’on ne tenait compte du phénomène qui s’accomplit journellement sous les yeux de l’observateur. L’incrustation des roches de Milazzo est un fait analogue à ceux qu’on a signalés sur les côtes de quelques îles de l’Archipel, et qui se montrent sur une grande échelle le long des falaises de la Guadeloupe. Ici la mer a soudé et converti en une sorte de brèche d’immenses amas de sables et de fragmens de coquilles. Dans cette brèche, on a découvert des ossemens humains mêlés à quelques traces d’une civilisation dans l’enfance ; mais on y a trouvé également des débris provenant de navires européens naufragés depuis peu d’années. Il est donc évident qu’à la Guadeloupe la formation de ces roches marines marche avec une grande rapidité. L’ensemble de ces roches, quoique considérable, appartient tout entier à l’époque géologique actuelle. Les ossemens, les débris de tout genre qu’on y rencontre, ne méritent donc pas le nom de fossiles, car cette expression est réservée aux restes organiques contemporains des époques précédentes, et de nos jours, comme au temps de Cuvier, on peut dire que le véritable homme fossile est encore à trouver.

Malgré les difficultés inattendues que la soudure des pierres de Milazzo apportait à nos recherches, notre séjour dans cette presqu’île n’en fut pas moins un heureux temps pour nous. La chaleur, en augmentant chaque jour, semblait féconder à la fois la terre et la mer. Mille insectes, dont un grand nombre n’avaient pas encore trouvé place dans les catalogues zoologiques, bourdonnaient dans les champs, et M. Blanchard eut bientôt garni plusieurs boîtes de nombreux et curieux échantillons. Quelques reptiles vivans vinrent enrichir encore ses collections, et font aujourd’hui partie de la ménagerie spéciale créée an Muséum par MM. Duméril et Bibron avec un zèle que devraient bien imiter ceux qui laissent dépérir la ménagerie des oiseaux et des mammifères. Nous recueillîmes, entre autres, deux grandes couleuvres noires bien inoffensives malgré leur aspect menaçant, et quelques beaux exemplaires de geckos des murailles, animal assez semblable à un lézard, mais dont le corps aplati, la queue courte, la peau grisâtre couverte