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discussions que vont soulever MM. de Hauranne et de Rémusat nous feront connaître si la chambre et la majorité de 1846 ont sur certains points d’organisation intérieure d’autres tendances que la précédente législature. C’est une provocation adressée par l’opposition aux conservateurs progressistes.

Nous parlions dernièrement de la nécessité où pourrait se trouver le cabinet, n’appeler dans son sein quelques hommes nouveaux. Il n’y a d’ouvert en ce moment que la succession de M. Martin du Nord. Le portefeuille de la justice est décidément destiné à M. Hébert, l’un des vice-présidens de la chambre. En passant à la chancellerie, M. Hébert laisse vacante la place de procureur-général, et il n’est pas aisé de lui trouver un successeur. Plusieurs noms ont été prononcés ; on a parlé de M. Boucly, qui a été vivement recommandé par M. Hébert, mais M. Boucly est sans siège à la chambre et sans caractère politique. M. Delangle aurait de belles chances si l’on ne craignait pour sa réélection ; il n’a eu, l’été dernier, au collége de Cosne qu’une voix de majorité. Il a été question aussi de M. Piou, procureur-général près la cour royale de Lyon. La direction suprême du parquet de Paris est un des postes judiciaires les plus difficiles à remplir. Il y faut réunir à la distinction du magistrat une sorte de consistance politique, et nous ne sommes pas étonnés des hésitations du cabinet.




AFFAIRES DU MEXIQUE

Voici maintenant une année tout entière écoulée depuis qu’a commencé la guerre qui tient aux prises les deux républiques de l’Amérique du Nord. C’est en mars 1846 que le général Taylor a franchi les limites contestées du Texas ; en avril, il a pour la première fois rencontré les Mexicains sous les ordres du général Arista ; le mois d’après, il a livré les deux batailles de Palo Alto et de Resaca della Palma. Les Américains ont étendu le théâtre des hostilités en même temps qu’ils multipliaient leurs victoires, et pendant que leurs escadres bloquaient les côtes du golfe, pendant que le général Taylor prenait Monterey et poursuivait vers le sud la route difficile qui mène à Mexico, deux autres corps d’armée transformés presque aussitôt en compagnies de settlers s’installaient, bien plutôt qu’ils ne campaient, au nord et à l’ouest, dans le Nouveau-Mexique et dans la Californie. Aujourd’hui la flotte des États-Unis doit avoir fait une démonstration sur Vera-Cruz ; l’armée d’invasion s’est avancée d’un pas de plus vers San-Luis de Potosi, où sont rassemblées les forces mexicaines qui barrent le chemin de la capitale ; elle a pris Victoria dans l’état de Tamaulipas. Telles sont les dernières nouvelles de la guerre, et, malgré les conjectures fondées qui pouvaient permettre d’en espérer la fin, malgré les embarras inouis dans lesquels elle précipite les deux nations, il devient chaque jour plus difficile de lui assigner un terme et de lui trouver un accommodement.

On sait pourtant que Santa-Anna n’était rentré dans Mexico qu’avec le laisser-passer du cabinet de Washington. Il avait positivement vendu la paix d’avance, stipulant que les États-Unis lui garantiraient dix années durant le pouvoir dictatorial, et qu’en retour il userait de ce pouvoir à leur profit en leur abandon-