Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 17.djvu/977

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
971
REVUE. — CHRONIQUE.

à lire un nombre prodigieux de livres et de manuscrits de toute espèce. Il les a lus en homme d’esprit, et, tout en cherchant des dates et des faits archéologiques, il ne néglige pas les traits de mœurs et de caractère qu’il rencontre à chaque instant. De toutes les époques de notre histoire, le grand siècle est toujours celle qui est en possession d’exciter le plus notre intérêt. Il n’y a pas de mémoires, pas de pamphlets de ce temps, qui ne renferment des pages curieuses, des anecdotes charmantes. Malheureusement un grand nombre de ces ouvrages sont devenus d’une rareté extraordinaire ; d’autres repoussent le lecteur par leurs colossales dimensions. Étudier l’histoire dans les auteurs contemporains, c’est un travail d’Hercule depuis l’invention de l’imprimerie. Aussi faut-il savoir gré aux érudits qui veulent bien mettre en lumière les perles qu’ils rencontrent éparses çà et là dans un immense fumier. Remercions surtout ceux qui, comme M. de Laborde, joignent, dans un semblable travail, à la patience et à la sagacité de l’antiquaire le discernement de l’homme de goût, qui savent choisir, qui discutent les faits avec une sage critique, et font tourner au profit de l’histoire des recherches où trop de gens ne trouvent qu’une stérile satisfaction de curiosité. L’ouvrage de M. de Laborde est indispensable à toute personne qui veut connaître le XVIIe siècle, et particulièrement le fameux ministre dont le caractère et la politique ont été si diversement jugés. Un grand nombre de faits peu connus ont été réunis par M. de Laborde sur le cardinal Mazarin, et, il faut le dire, il le justifie, pièces en mains, d’une grande partie des accusations accumulées contre lui. C’est surtout dans les notes très volumineuses qui accompagnent le Palais Mazarin que le lecteur trouvera une foule d’anecdotes intéressantes et de réflexions judicieuses sur les hommes et les choses de ce temps. Un scrupule a obligé M. de Laborde à ne faire tirer ces notes qu’à un très petit nombre d’exemplaires. Au XVIIe siècle, on disait parfois de gros mots tout à trac, comme au temps de Brantôme, et M. de Laborde a craint, je pense, que quelques-unes de ses citations n’effrayassent les lecteurs timorés d’aujourd’hui. Je crois qu’il ne connaît pas assez l’hypocrisie moderne. Bien des gens damneront l’auteur du Palais Mazarin, qui n’en auront pas lu les notes et qui voudraient les lire.


P. M.


ÉTUDES SUR L’HISTOIRE UNIVERSELLE, par M. Arbanère[1]. — M. Arbanère, membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques, a déjà publié six volumes in-octavo sur l’histoire de l’Asie, de la Grèce et de Rome. La troisième partie, celle qui embrasse le moyen-âge et les temps modernes, voit aujourd’hui le jour : c’est le complément de Pieuvre. L’auteur a élevé son monument. Huit volumes compactes de considérations, de méditations et d’apophthegmes, sur l’enchaînement des révolutions qui ont agité le monde et les destinées providentielles de l’humanité, sont un bagage un peu lourd, et pourtant nous devons nous applaudir de voir M. Arbanère borner ici sa carrière et s’enfermer dans des limites aussi raisonnables. Le cadre qu’il a choisi lui permettait de s’abandonner indéfiniment à la pente de ses rêveries, et de gratifier, sa vie durant, le public de plus d’un volume chaque année. En effet, non content de méditer sur le passé, de discuter longuement sur le présent, M. Arbanère se mêle aussi de prédire l’avenir. Où s’arrêter dans une telle voie ? La meilleure

  1. Deux volumes in-8, chez Firmin Didot.