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que vaisseaux, que steamers, que bateaux et barques de toute espèce, spectacle magnifique dont nous ne pouvons, disent-ils, donner une idée à nos compatriotes. Ils se demandèrent alors comment cette tache si petite et si insignifiante que forme l’Angleterre sur la carte du monde peut ainsi attirer vers elle tant de nations, et ils se firent une réponse qu’ils recommandent à la méditation de leurs compatriotes : la cause de cette puissance, c’est l’industrie et le savoir. Les Anglais ne se contentent jamais du progrès accompli ; ils vont toujours en avant, quelque chose qu’il en coûte. La science mise en pratique, voilà le secret de leur grandeur. Cette prodigieuse industrie britannique excite même chez les tranquilles parsis quelques accès d’enthousiasme et une sorte de poésie de meilleur aloi que les hyperboles orientales des jeunes Persans.


« Combien l’Angleterre n’est-elle pas redevable à ses mines inépuisables de charbon et de fer ! Des mines d’or et d’argent seraient moins précieuses pour elle. L’argent et l’or n’enrichissent que quelques hommes ; le fer et le charbon mettent en mouvement des milliers de bras. Ce sont eux qui donnent naissance aux machines à vapeur, aux rouets, aux métiers et à tous les engins de la Grande-Bretagne. Ah ! heureuse Angleterre, qui possèdes en ton sein la source du travail, (les manufactures, de la richesse ! heureuse Angleterre, tu es et tu seras long-temps l’étonnement et l’envie de l’univers ! Que ne peuvent accomplir le fer et le charbon ! que ne peut exécuter la vapeur ! Les chars, chauffés par le charbon, volent sur des rails de fer ; le bois est scié par la vapeur ; le fer est forgé en ancres, roulé en feuilles, allongé en barres et en fil par le moyen de la vapeur ; le feu même qu’on emploie à produire ces puissantes machines est soufflé par la vapeur. La vapeur pompe l’eau, la vapeur bat le beurre, la vapeur imprime les livres, la vapeur frappe la monnaie. Par la vapeur, les navires, insoucieux du vent et de la marée, parcourent à leur gré les mers. La vapeur met le feu aux canons, la vapeur moud le blé, et toutes les pièces qui composent notre habillement des pieds à la tête sont confectionnées par la vapeur. »


On se doute bien que cette merveille européenne des chemins de fer ne manque pas de frapper aussi les princes persans. Ici encore, après un essai de description, l’imagination vient terminer l’esquisse. Les locomotives sont pour eux « des boîtes de fer dans lesquelles on fait bouillir de l’eau comme dans une cheminée ; sous cette boîte est une espèce d’urne de laquelle s’élève une vapeur douée d’une force merveilleuse. Dès que la vapeur s’élève, les roues se mettent en mouvement, la voiture déploie ses ailes, et les voyageurs deviennent comme des oiseaux. Il est à remarquer que, parmi les arts de l’Occident, les Orientaux venus à Londres ne comprennent et, n’admirent que ceux qui se proposent l’utilité pour but. Dans les beaux-arts, ils ne sentent que le mérite vulgaire de l’imitation, de la ressemblance ; on les prendrait pour les disciples du digne Le Batteux. Ce n’est pas toutefois qu’il leur manque le