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indissoluble des capitaux et des forces motrices. Il nous suffira de citer, en regard de quelques-uns des chiffres pris dans le tableau du commerce français, ceux qui leur correspondent de l’autre côté du détroit.

La moyenne du mouvement total des exportations anglaises en toiles peintes peut s’évaluer à 198 millions de francs, c’est-à-dire à près de trois fois le chiffre maximum qu’ait jamais atteint ce commerce spécial de la France. Bien que l’établissement de fabriques nationales ait également produit une baisse notable Tans les envois de la Grande-Bretagne aux états de l’Union américaine,- puisque les chiffres extrêmes de ces envois ont été, en 1836 et 1842, de 1,365,227 kil. et 228,102 kit, — les États-Unis ont reçu néanmoins en 1844, de l’Angleterre, 497,306 kil. Si la France, défendue par le système restrictif et protecteur de l’industrie nationale, ne reçoit annuellement que pour 1,071,950 francs en tissus imprimés des manufactures anglaises ; si l’Espagne, où ces produits ne s’introduisent que par une fraude honteuse, ne figure dans le tableau que nous avons sous les yeux que pour une somme moyenne de 127,985 fr., le Portugal absorbe par an, sur les marchés, pour 9,612,875 francs de toiles peintes, et, sur cette somme considérable, notre part n’est que de 114,504 fr. Gibraltar, cet immense entrepôt que l’Angleterre possède entre les deux mondes, lui offre, pour l’écoulement de ses indiennes, un débouché annuel de 9,187,150 francs. Sur les 507,242 kil. d’étoffes imprimées que fournissent chaque année à la Turquie les deux grandes puissances industrielles de l’Europe, 13,256 kil. seulement sont d’origine française. Indépendamment du traité avantageux que, là comme partout, notre rivale a su conclure, il faudrait, dit-on, assigner pour cause à notre infériorité sur ce point un acte d’une inconcevable légèreté. Nous aurions envoyé aux Turcs des tissus sur lesquels étaient figurés des animaux, et blessé vivement en cela la susceptibilité religieuse de ce peuple. Chacun sait, en effet, que le Coran interdit expressément aux sectateurs de Mahomet la représentation de tous les êtres vivans.

La Grande-Bretagne, constamment menacée, suivant l’heureuse expression d’un économiste, d’une congestion industrielle, ne néglige rien pour satisfaire ce besoin d’expansion qui est devenu pour elle une véritable nécessité. Aussi, — abstraction faite de ses cinquante colonies, — a-t-elle sur tous les points du globe des comptoirs dont plusieurs sont d’une grande importance. Il n’est pas dans le monde entier une contrée assez éloignée, une peuplade assez sauvage, un climat assez rigoureux, un îlot d’assez petite valeur, pour que nos industrieux voisins d’outre-mer n’y trouvent un débouché à leurs produits. Aussi la côte occidentale d’Afrique, la Nouvelle-Zélande, les Philippines, les îles de l’Ascension, celles de la mer du Sud, reçoivent déjà, depuis plusieurs années, des quantités assez notables de cotonnades teintes et imprimées. La Chine elle-même, qui est à peine ouverte aux Anglais depuis 1840, a vu son île de Hong-Kong transformée, le lendemain du traité, en un vaste entrepôt de marchandises britanniques, qui recevait déjà, en 1844, une valeur de 324,175 fr. en toiles peintes. Espérons qu’un des résultats de la mission que le gouvernement vient d’envoyer en Chine sera d’y introduire à son tour cette branche du commerce français.

L’Angleterre et la France possèdent toutes deux, dans le Lancashire et dans l’Alsace, des foyers permanens pour la fabrication des toiles peintes, vers lesquels s’est portée la population qu’appelle infailliblement le concours des capitaux