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ces eaux, lancées des montagnes, roulant sur des pentes rapides, travaillées par les influences atmosphériques, sont capricieuses et vagabondes. Qu’on mette l’art européen aux prises avec cette fougueuse nature, et il en aura facilement raison. Si grandes que soient les avances à faire pour élever, par des barrages, les eaux encaissées au fond des vallées, pour égoutter les marécages, créer des réservoirs, des norias, des canaux d’arrosage, ces frais constitueront un placement dont le résultat dépassera toutes les espérances.

Les premières constructions faites en Algérie ont été extrêmement dispendieuses. La rareté du bois, le transport des matériaux, le haut prix que les ouvriers d’art mettaient à leurs services, et surtout les faux frais des premiers tâtonnemens, élevaient alors les devis à des chiffres effrayans pour les Européens. Aujourd’hui des ingénieurs habiles à profiter des avantages locaux construiraient un groupe d’habitations rurales à des prix qui n’excéderaient pas ceux de la France. Les bois et les fers de Suède arrivent sur les côtes à de bonnes conditions. Les routes et les moyens de transport sont déjà assez multipliés pour que les prix du roulage aient diminué de beaucoup, du moins pour les localités accessibles. En ce qui concerne la maçonnerie, l’Algérie offre des ressources qui compensent les frais exceptionnels de la charpente. M. le capitaine Brunet attribue les mécomptes des premiers entrepreneurs à la manie d’importer en Afrique les méthodes de construction usitées en Europe. « Le système minéral, dit-il, est très riche en Algérie, et tous les matériaux nécessaires à la confection des bonnes maçonneries, tels que pierres de toutes sortes, chaux, plâtre, argile pour briques, sable, terre rouge pour les gros mortiers hydrauliques, se trouvent en abondance et dans des conditions faciles d’exploitation. Aussi les constructions en maçonnerie offrent en Algérie de grands avantages sous le rapport de la facilité, de l’économie, de la solidité et de la fraîcheur. » En résumé, les déboursés pour les bâtimens peuvent être considérablement diminués, lorsque les travaux sont conduits avec économie et intelligence. Les constructions de Souk-Ali, comprenant six étables, six maisonnettes pour les ouvriers, deux corps de logis pour les maîtres et les domestiques, n’ont coûté que 46,788 francs. Plusieurs autres devis que nous avons consultés donnent des chiffres aussi modérés. Dans notre combinaison, la parcimonie serait moins nécessaire ; les logemens devant être loués par la compagnie aux familles ouvrières, les dépenses de construction ne seraient en réalité que de l’argent placé. En consacrant 300,000 francs à la fondation d’un corps de village de deux cents feux, on pourrait offrir à chaque ménage un logement sain, muni du mobilier indispensable au prix moyen de 100 fr. Pour les bâtimens de ferme, ateliers, étables, greniers, écuries, et pour les bâtimens d’administration tels que bureaux, corps-de-garde, chapelle,