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perduto il ben del intelletto (des hommes qui ont perdu le bien de l’intelligence), on peut définir l’idiot : un être qui n’a jamais rien perdu, car il n’a jamais rien possédé. La seule forme d’aliénation mentale à laquelle on puisse comparer l’idiotie, c’est la démence. Toutefois la démence, ce dernier terme du délire qui présente souvent au premier abord la morne figure de l’hébétement, entraîne l’abolition des actes de l’entendement humain, tandis que l’idiotie en est la privation native. Chez l’homme abaissé par la démence, les idées ne sont pas toutes éteintes : quelques pâles éclairs viennent de temps en temps sillonner ce triste tombeau de la raison, tandis que chez l’idiot il fait nuit moralement, toujours nuit.

Il existe une première division de l’idiotie, fondée sur une simple différence de temps : cette infirmité est tantôt antérieure et tantôt postérieure à la naissance. Dans le premier cas, selon M. Séguin, c’est l’idiotie proprement dite ; dans le second, l’imbécillité.

Une réunion d’enfans idiots et imbéciles présente un triste assemblage de difformités physiques et morales. Cette infirmité mère traîne à sa suite un hideux cortége de maux, toutes les misères de l’esprit, du cœur et de l’organisation. Pour mettre de l’ordre dans un tel désordre, il nous faut ramener l’idiotie à un plan général et trouver une loi de la nature au milieu de ce renversement de toutes les lois. Faute d’une telle vite d’ensemble, la classification de l’idiotie ne présente encore que ténèbres. Nous croyons que, pour arriver désormais à des résultats précis, il faut établir une série de rapprochemens entre les divers degrés de cette infirmité et d’autres états analogues. Il se passe moralement, dans les cas d’idiotie, ce qui a lieu dans les cas si nombreux de monstruosité, où la nature se reporte fatalement en arrière et revient, pour ainsi dire, sur ses traces. Ce ne sont plus ici seulement les formes organiques, ce sont encore toutes les manifestations de l’être qui se trouvent ramenées chez l’homme vers des conditions étrangères à son espèce. Rechercher, dans tous les faits d’idiotie, la cause de cette marche rétrograde du principe fécondant serait une entreprise inaccessible à l’état actuel de nos connaissances. La nature se plaît, dans toute la série animale, à ces mouvemens rétrospectifs, dont l’intention nous échappe, mais qui ont pour résultat constant de faire redescendre la force créatrice vers les étages inférieurs de la vie. Cette loi des formations incomplètes, qu’il faut admettre sans chercher à la discuter, est la seule qui rende raison, selon nous, des phénomènes si étranges et si mystérieux de l’idiotie. A quelque degré et sous quelque face que nous le prenions, l’idiot est un être arrêté, une ébauche d’homme. La conséquence nécessaire de son imperfection est de le rabaisser au-dessous du rang qu’il devrait tenir dans la création ou dans la société, et, en effet, il n’y a guère de cas d’idiotie qui échappe, par l’ensemble de