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DE


L'ESPRIT LITTERAIRE


SOUS LA RESTAURATION ET DEPUIS 1830[1]




Les hommes ont toujours dans leur souvenir paré leurs jeunes années ; à mesure qu’on approche du déclin de l’âge, la mémoire devient flatteuse, on dirait qu’elle hérite de l’imagination, dont elle seule garde les vives couleurs. Ce ne sont pas seulement les événemens de notre vie individuelle qui, vus à distance, s’embellissent ou s’exagèrent ; il en arrive autant quelquefois aux faits d’un intérêt plus général, et il est rare que nous ne regrettions pas la société telle qu’elle s’est montrée à nos premiers regards. On lui prête volontiers tantôt plus d’agrément, tantôt plus de grandeur qu’elle n’en eut peut-être ; il semble que la patrie ait dégénéré uniquement parce qu’on a vieilli. Il faut donc se défier un peu de quiconque nous entretient du passé, car les souvenirs aussi

  1. Dans un livre remarquable qui paraîtra prochainement sous le titre de Passé et Présent, chez l’éditeur Ladrange, M. de Rémusat a recueilli plusieurs sujets politiques ou littéraires, les uns inédits, les autres publiés à diverses époques et réunis pour la première fois. Parmi ces essais, il en est qui remontent à la restauration, il en est d’autres qui sont écrits d’hier. On peut ainsi comparer l’impression produite par deux époques bien différentes sur une intelligence qui unit dans une rare mesure l’élévation et la finesse. Dans les pages qu’on va lire, M. de Rémusat tire du contraste des deux époques une leçon bienveillante encore dans sa sévérité pour nos déviations et pour nos faiblesses. Il y a là mieux que les souvenirs d’un noble esprit, il y a un enseignement donné à notre génération avec l’autorité d’une conviction sincère et le charme d’une parole éloquente.