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La botanique n’a point encore arraché tous leurs secrets aux profondeurs de la mer ; il lui reste quelque chose à apprendre sur les conditions de vigueur ou de mortalité des plantes sous-marines, et la rade de Toulon lui offrirait un champ fécond d’observations. En attendant qu’elle le parcoure, MM. les ingénieurs hydrographes de la Méditerranée ont judicieusement remarqué que plusieurs espèces ne croissent pas au-dessous d’un certain niveau, et que la vigueur de toutes s’affaiblit à mesure que la couche liquide au travers de laquelle elles reçoivent la chaleur et la lumière du soleil augmente d’épaisseur. Le curage de la rade à 9 mètres 50 centimètres de profondeur ne saurait donc manquer de diminuer beaucoup l’activité de la végétation sous-marine. On la ralentirait davantage encore par la suppression des engrais que lui prodiguent la ville et l’arsenal lui-même. Personne, à coup sûr, ne prétendra que l’évacuation des immondices ne puisse pas s’opérer à Toulon comme dans toute autre ville où l’on n’a pas un port pour voirie. L’agriculture viendra d’ailleurs en ceci à l’aide de la navigation ; elle sollicitera ce que la police maritime et la police municipale ont le droit de prescrire, et les habitans de Toulon comprendront que si, prenant exemple de ceux de Lille, de Strasbourg, de Grenoble, ils répandaient sur leurs champs tout ce qu’ils envoient dans la rade, leur territoire doublerait bientôt de fertilité.

Restent les alluvions. À part le mérite de l’invention et la différence de la dépense, il n'est pas plus difficile de faire déboucher le Las sur le revers occidental de la presqu’île de Six-Fours qu’il ne l’a été de rejeter l’Égouttier de la petite rade dans la grande, ou d’ouvrir la Rivière Neuve[1]. La plus courte distance du Las à la Reppe d’Ollioule, qui se décharge dans la baie de Saint-Nazaire, n’est que de 4,500 mètres. Ouvert sur un terrain facile, quoique légèrement ondulé, un canal qui porterait les eaux de l’un dans le lit de l’autre n’aurait pas 8,000 mètres. Une simple opération de nivellement suffirait pour en déterminer les points de départ et d’arrivée. La rapidité de la pente du Las est une circonstance très favorable à l’entreprise. Le canal intercepterait au passage le cours du ruisseau de Brégaillon. Ces travaux n’affecteraient en rien le régime de la dérivation du Las qui alimente d’eau la ville de Toulon ; ils pourraient déplacer une ou deux usines, mais les forces motrices ne seraient pas perdues, puisque le volume et la chute des eaux resteraient en réalité les mêmes.

Ce serait au reboisement à compléter les effets du détournement de ces cours d’eau, et il serait ici d’autant mieux placé qu’il atténuerait, pour la baie de Saint-Nazaire, les inconvéniens dont serait délivrée la petite rade de Toulon. Des terres couvertes d’arbres et de gazon ne risquent

  1. C’est le nom qu'on donne au lit dans lequel on a détourné le Las vers 1746.