Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/781

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parmi les habitans de la sainte montagne. Durant les premiers siècles qui suivirent la fondation des couvens de l’Athos, l’art chrétien eut son centre dans ces pieuses retraites. Les moines étaient constitués en école directrice dans toute l’Europe, et de leurs ateliers partirent de féconds enseignemens. C’est l’époque où l’on voit figurer dans les annales des couvens des noms tels que ceux de saint Athanase et de saint Pierre l’Athonite. Aujourd’hui, au lieu de donner l’impulsion et de la donner avec cette puissance qui enfanta de si grandes œuvres, ils la reçoivent des moines moscovites affaiblie et profondément altérée.

Ce n’est pas seulement dans le domaine de l’art et des lettres, c’est sur le terrain même de la vie matérielle que se révèle au mont Athos une déplorable torpeur. On y néglige complètement les travaux de l’agriculture ; les communications d’un couvent à l’autre sont fort difficiles, et on ne fait rien pour rendre les sentiers praticables. Le pays est sillonné de ravins nombreux et profonds ; les attelages les plus rustiques ne sauraient circuler dans les âpres chemins de la presqu’île, embarrassés d’une végétation si épaisse, qu’ils ne livrent le plus souvent passage qu’à un homme de front. Les moines d’ailleurs ont peu de besoins, et c’est ce qui fortifie encore leur penchant à l’oisiveté. Ils vivent fort sobrement ; leur nourriture se compose exclusivement de légumes qu’ils vont chercher sur le continent et de poissons qu’ils pêchent sur leurs côtes. La viande leur étant interdite par la règle de saint Basile, que suivent depuis le IVe siècle tous les ordres monastiques de l’Orient, ils ne chassent pas, quoique le gibier abonde dans les parties boisées de la montagne.

A mon arrivée dans le couvent d’Aghia-Labra, on me servit le glycos, espèce de confiture à la rose, et du café. Par une extrême faveur de l’igoumenos, on m’apporta ensuite un tchibouki. La collation terminée, j’allai visiter l’église. L’intérieur du couvent est entrecoupé de petites cours, passages et portiques, qui conduisent à une place ornée de grands cyprès, au milieu de laquelle se trouve une fontaine byzantine couverte comme le sont d’ordinaire les fonts baptismaux. J’aurais pu me méprendre sur la destination de cette fontaine, si je ne m’étais rappelé que dès les premiers temps il avait été rigoureusement interdit aux femmes d’approcher de la montagne sainte. La prohibition contre le sexe féminin dure encore aujourd’hui, et s’étend même aux jumens, aux vaches, aux chèvres et aux poules. La fontaine d’Aghia-Labra n’avait sans doute pas d’autre destination que celle des puits ou vases nommés canthari, qui servaient, dans les basiliques, aux ablutions des mains et du visage, et qui furent ensuite, dans l’église latine, remplacés par l’usage plus restreint du bénitier.

L’église principale d’Aghia-Labra, fondée par saint Athanase au commencement du IVe siècle, fut enrichie ; en 965 par l’empereur Nicéphore.