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Les portes, qui appartiennent probablement à cette époque, sont en cuivre repoussé au marteau et d’une fort belle ordonnance. Elles rappellent celles de l’église de Ravello, près d’Amalfi, et de plusieurs autres monumens religieux de la Pouille ; le reste du portique est couvert d’ornemens turcs qui ressemblent à nos cartouches du siècle dernier. Le plan général est celui de la basilique de Saint-Marc à Venise. Cette disposition toute symbolique est commune à toutes les églises du rit grec. L’œil est attiré par les dorures qui cachent l’autel et montent jusqu’à la voûte. C’est un fouillis de dentelures et de ciselures dorées entremêlées de peintures à l’encaustique très sombres ; en avant sont des pupitres et autres ustensiles en marqueterie d’une grande richesse. Les moines ont remplacé par ces meubles portatifs les ambons massifs de l’ancienne église latine ; presque tous ceux qu’ils possèdent leur ont été envoyés en cadeaux par le gouvernement russe.

L’école byzantine, école toute de transition entre l’art ancien, qui poursuivait le beau pour la forme elle-même, et l’art chrétien, qui ne se servit de la forme que pour l’expression de l’idée, s’attacha, dès son origine, à préparer la transformation que ce but nouveau entraînait inévitablement. Placés à ce point de vue, les artistes byzantins obtinrent une unité que l’art chrétien ne devait plus atteindre après eux à un égal degré, et dont il est à notre époque plus éloigné que jamais, malgré les efforts tentés dans ces derniers temps en France et plus encore en Allemagne. Les mosaïques d’Italie qui ont été faites par des artistes byzantins peuvent seules nous donner une juste idée du travail qui dut s’opérer et des changemens que subit cet art avant d’arriver à sa constitution définitive. Ce ne fut qu’un ou deux siècles avant Constantin qu’on put préciser les résultats de ces changemens d’après les travaux exécutés précédemment par les grands maîtres de l’école. Plus tard, de peur que la tradition ne se perdît, les principes de l’art furent exposés et mis en ordre par un moine nommé Denys, de Fourna d’Agrapha, et ce manuscrit, copié dans tous les couvens, donna depuis à l’art byzantin cette forme invariable dont il ne s’est plus écarté, à ce point qu’aucune différence de date ne semble séparer des peintures exécutées souvent à plusieurs siècles de distance. Ce style immuable, étroitement lié au culte, et qui, par cela même, proscrivait toute inspiration individuelle, finit par s’étendre à tous les pays où l’église grecque prévalut, dans le Bas-Empire, en Russie, dans l’Asie mineure, et jusqu’aux régions voisines du Sinaï.

L’église du couvent d’Aghia-Labra nous offre, sous le rapport de la peinture, un des spécimens les plus authentiques et les plus complets de l’art que nous avons essayé de définir. La coupole est occupée tout entière par l’image colossale du Christ, représenté sous les traits augustes et purs que les peintres de la renaissance ont adoptés. Son teint