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documens recueillis en 1839 par l’administration des douanes, le contingent de la petite pêche dans les classes est de près du quart de la totalité de l’inscription, et la côte de Provence doit aujourd’hui présenter un effectif de 3,600 pêcheurs. Si le bon aménagement de la pêche doit augmenter sensiblement ce nombre, il est le plus simple, le plus efficace et le moins coûteux des moyens de recrutement de la flotte.

Il n’est toutefois pas le seul qui soit entre les mains de l’administration de la marine, et l’habitude que celle-ci perd aujourd’hui, rendons lui cette justice, de s’isoler de certains intérêts généraux de l’état, l’a quelquefois entraînée à négliger cette population maritime, dont le développement devrait être l’objet de sa plus constante sollicitude. Ce qui éloigne le plus d’hommes de la profession de matelot, c’est la perspective d’une vieillesse oisive et misérable. Les grandes fatigues de la mer, les hautes manœuvres du navire, ne sont point faites pour un âge où les membres de l’homme ont perdu leur souplesse, et le préparent mal à d’autres moyens de gagner sa vie. La création d’une vétérance de la marine serait donc un puissant encouragement à l’entrée dans ses cadres. Cette vétérance s’offrirait naturellement dans l’organisation de la défense des ports et des rades, tant en France que dans les colonies. Où trouver des hommes plus propres à l’armement et à la garde des batteries de côte que ceux auxquels la mer a servi d’école de canonnage ? A qui confier plus justement qu’à des marins fatigués au service de l’état des travaux sédentaires, séparés par de longs intervalles de repos, et dans lesquels un grand courage est la principale condition de succès ? Au lieu de recourir à de tels hommes, on a créé un régiment d’artillerie de la marine, aujourd’hui composé de 3,354 hommes sur le pied de paix, de 4,418 sur le pied de guerre[1]. Ces hommes n’ont ni chevaux, ni attelages, et ne sont point instruits à coordonner leurs manœuvres avec celles des autres armes de l’armée de terre ; ces prétendus canonniers de la marine sont exclus des vaisseaux, où ils ne seraient qu’un embarras. Jeunes et vigoureux, capables des plus grandes choses ; ils ne sont en réalité que des gardes-côtes, et c’est pour un service de vétérance que l’on appauvrit l’armée de terre et de la valeur personnelle de 3 à 4,000 hommes d’élite, et de celle plus grande encore

  1. Ordonnance du 30 avril 1844. Dans cet effectif ne sont pas compris 953 hommes répartis en six compagnies d’ouvriers d’artillerie, dont l’existence est un peu moins difficile à justifier que celle des régimens. Ces compagnies n’ont cependant qu’une assez faible analogie avec les douze compagnies d’ouvriers qui suffisent à l’artillerie de terre. Celles-ci sont indispensables, parce qu’accompagnant le matériel en campagne, elles doivent savoir le construire pour être en état de le réparer. Les compagnies de la marine ne suivent pas les pièces à bord des vaisseaux ; sauf la fraction de l’une d’entre elles qui dessert les colonies, elles ne sortent pas des arsenaux, et il n’y a pas plus de raison de les maintenir qu’il n’y en aurait à convertir en soldats les ouvriers de la manufacture d’armes de guerre de Saint-Etienne.