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cinquante pour la seconde ; encore M. le ministre de la marine est-il obligé d’avouer dans son compte-rendu que la plupart de ces travailleurs sont revenus la même année dans leur patrie, tant ils ont trouvé chez les habitans peu d’encouragement et de sympathie. A qui s’en prendre de ces résultats ? A la métropole ou à la colonie ? Les colons sont-ils seuls coupables, ou les prétentions nouvelles de la France sont-elles injustes ? Ni l’un ni l’autre ; la faute est tout entière au système colonial. Il est impossible de trancher la question de l’esclavage dans les limites du vieux droit des colonies. Le monopole et l’esclavage se tiennent, ils sont l’un à l’autre ce que l’ombre est à la lumière, leur conséquence forcée, leur complément réciproque. Essayer de détruire celui-ci sans abolir celui-là, c’est rêver l’impossible. Le monopole empêche le développement de la production, il assure au planteur des débouchés plus ou moins avantageux, mais certains, de ses produits ; il le garantit plus ou moins de la concurrence étrangère ; par là même il le détourne de rechercher dans la culture, dans la fabrication, ces améliorations que la main intelligente de l’ouvrier libre pourrait seule appliquer. L’influence morale du monopole est plus fâcheuse encore ; elle paralyse, elle égare l’esprit créole. Comment celui dont les droits sont méconnus ne méconnaîtrait-il pas les droits de ses semblables ? Le système colonial enlace pour ainsi dire dans une triple servitude la métropole, le planteur et l’esclave.

Si nous portons les yeux plus près de nous, sur nos établissemens de l’Afrique septentrionale, nous trouvons encore des entraves exceptionnelles, là où précisément il faudrait le plus de franchises et le plus de garanties légales. Quels sont, au point de vue matériel, les résultats d’une telle organisation ? La méfiance éloigne les capitaux et les colons. Ceux-ci, vainement appelés, refusent d’accourir ; ceux-là, établis par force et par conséquent dans des conditions mauvaises, languissent ou meurent. Des postes militaires et pas d’habitations, des camps immenses, mais pas de culture, voilà le spectacle que présente le vaste champ de nos conquêtes. Une espèce de prospérité avait salué les premières années de notre domination : notre commerce était libre, toutes les nations étaient admises à des droits égaux dans nos ports ; mais il s’importait dans nos possessions africaines plus de marchandises étrangères que de marchandises de la métropole. Nos fabricans s’émurent de cette différence. S’ils avaient pris la peine d’étudier de près la question, ils se seraient assurés que la plus grande partie des tissus anglais contre lesquels portaient surtout leurs réclamations étaient réexportés en Portugal, en Espagne, au Maroc, et faisaient à Gibraltar une rude concurrence. Il y avait là pour le commerce de l’Algérie un bel élément de prospérité, et c’était moins la fabrique nationale que le commerce anglais de Gibraltar qui était menacé par les franchises de nos ports d’Afrique. Nos