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égales d’ailleurs, est proportionnelle au nombre des cultivateurs, s’en trouve atténuée. Depuis le temps des patriarches ou depuis la chute des Césars, des cultures commerciales se sont répandues, qui ont pris la place autrefois donnée au blé et continueront de l’occuper, parce qu’elles sont d’un meilleur revenu. Dans les pays chauds, c’est la canne à sucre, c’est le coton ; dans les contrées moins ardentes, c’est le tabac, l’olivier, c’est la soie, la garance. Méhémet-Ali a introduit le coton sur une très grande échelle en Égypte. En Sicile et dans le royaume de Naples, l’agriculture n’est pas en progrès ; elle a été constamment opprimée, et aujourd’hui encore elle est soumise à un système politique, administratif et fiscal qui l’écrase. Elle ne fait donc rendre à la terre qu’une parcelle de ce que celle-ci offrirait en retour d’un travail intelligent et soutenu. Néanmoins, si la Sicile et Naples se relevaient de leur abaissement et de leur misère, et on est fondé maintenant à l’espérer, les cultures commerciales s’y étendraient de préférence au blé. On y ferait, je le crois, plus de céréales ; mais le progrès se manifesterait surtout par une grande production de l’huile et de la soie, par la culture du coton et même de la canne à sucre. On sait que déjà le royaume de Naples produit du coton en quantité assez importante[1] ; on se souvient que la canne à sucre fut jadis cultivée avec succès dans la Sicile, où elle avait été introduite par les Sarrasins, et d’où elle se répandit dans l’Andalousie, qui à son tour la fournit aux Antilles.

Voilà donc à quoi se réduit présentement la quantité des blés disponibles, un total de 11 millions d’hectolitres, savoir, en nombres ronds : de la Baltique 5 millions, de la mer Noire 3, des États-Unis 2, des Deux-Siciles 1. Si l’on en distrait ce que la Baltique livre à la Baltique même, ce que la mer Noire expédie à Malte, à Alger, à la Grèce, à la Turquie, à la Toscane, à l’Adriatique, et ce qui des États-Unis se répand sur les marchés de Cuba, des Antilles anglaises, du Brésil, de l’Amérique espagnole, ce chiffre sera réduit de plus du tiers. Joignez-y même, en le considérant comme une ressource permanente, le blé que l’Égypte, dans les bonnes années, peut accidentellement fournir à nos contrées en sus de ce qu’elle livre à Constantinople, à l’Archipel, à la Grèce, et portez-le à 1 million d’hectolitres ; vous trouverez que, année commune, l’Europe occidentale, réduite même à la France, l’Angleterre, la Belgique et la Hollande, ne peut compter que sur 8 ou 9 millions d’hectolitres de froment étranger, pour 75 millions environ de population. A 3 hectolitres par tête, ce qui est un peu au-dessous de l’évaluation communément admise en France, on n’en aurait que pour la vingt-cinquième partie de la population, dans l’hypothèse où l’Allemagne et les

  1. D’après M. Fulchiron (Voyage dans l’Italie méridionale, tome II, page 105.), la production excéderait 20,000 balles.