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flotte spéciale que nous entretenons afin de nous soustraire au droit de visite qui humiliait notre pavillon, mais dont s’accommodait l’orgueil de l’Angleterre, quoiqu’elle le subît autant que nous, ne sera pas diminuée d’un navire. Au sujet de la loi des 93 millions, nous n’aurons qu’un regret, c’est de ne pas avoir voté une somme plus ronde. Tout ce qui coûte sans rien rapporter, tout ce qui obère inutilement les populations sera scrupuleusement respecté ; l’emportement de notre zèle novice en faveur des économies s’exercera contre les travaux publics qui sont destinés à féconder le pays, qui en ce moment doivent occuper la population nécessiteuse, et à l’égard desquels on aurait dû poser en principe qu’il n’y fallait pas toucher. Le ministère s’est efforcé, au commencement de l’année, de faire exécuter par les communes des travaux extraordinaires. Il les y a excitées de toutes ses forces. Les communes s’y sont prêtées de fort bonne grace, quelquefois sans avoir des projets bien étudiés ou d’une utilité bien reconnue. Elles ont consacré à cet usage leurs économies, quand elles en avaient, et le produit d’emprunts, excessifs peut-être, qu’elles ont contractés, pour lesquels des projets de loi sont tous les jours présentés aux chambres. Il serait curieux que le lendemain de ses chaudes exhortations aux communes, alors que la plaie de la misère publique sera encore saignante, le gouvernement se mît à fermer ses propres chantiers. Le gouvernement ne peut accepter un pareil rôle ; il est de son devoir de le repousser avec énergie.


X.

L’administration a donc été mal inspirée jusqu’à présent dans tout ce qui regarde la crise des subsistances. S’il fallait en citer des preuves de plus, je mentionnerais les ordonnances qui sont venues brusquement prohiber la sortie des grains inférieurs, des pommes de terre et des châtaignes, sans donner au commerce un seul jour pour remplir les engagemens qu’il avait pu contracter. Je mentionnerais ce qui s’est passé lorsque, à l’occasion de la crise, il s’est agi d’autoriser la Banque de France à émettre des billets en moindres coupures. C’était un expédient reconnu avantageux pour parer à la sortie d’une certaine quantité, de numéraire métallique destinée à solder notre importation extraordinaire de blés. On devait rendre ainsi disponibles, en les remplaçant dans la circulation par des billets de banque, une certaine masse d’écus, et par conséquent la Banque eût été moins exposée aux demandes d’espèces pour l’exportation. On a eu à opter entre le minimum de 100 fr. et celui de 200 fr. : on avait les meilleures raisons pour préférer les billets de 100 fr. Quand des billets d’un thaler (3 fr. 76) circulent sans danger en Allemagne, où les populations ont moins que les nôtres le sens commercial, on peut croire que des billets de 100 fr., émis par une