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et Devilliers, que l’appartement du zodiaque ait été «  un lieu consacré à l’astronomie et à la représentation des phénomènes terrestres qui se lient à ceux du ciel. »

Après avoir parcouru l’intérieur du temple, je fais le tour de ses murailles. Partout je lis les noms de Néron, de Tibère, de Caligula (Caïus). Parmi tous ces souvenirs romains, il en est un seul qui se rattache à l’époque grecque, c’est celui de Cléopâtre, et encore ce souvenir même n’est-il point étranger à l’influence romaine, car en regard de la figure de Cléopâtre on voit, sur la muraille extérieure du temple, le fils qu’elle eut de César ; il porte ici le nom de Ptolémée César ; les historiens anciens l’appellent dédaigneusement Césarion. Cléopâtre, selon l’usage égyptien d’identifier toujours le souverain et la divinité, est représentée sous les traits d’Athor. C’est certainement un des résultats les plus piquans de la lecture des hiéroglyphes que de retrouver dans cette Athor colossale la sémillante amie de César et d’Antoine.

Derrière le grand temple d’Athor est le petit temple d’Isis, et un peu vers le nord un édifice que Strabon appelle Typhonion, et qui devait ce nom aux images d’un dieu difforme dans lequel on a voulu reconnaître le mauvais principe de la mythologie égyptienne, nommé Typhon par les Grecs ; mais d’abord rien ne prouve que le grotesque dieu dont l’image est multipliée ici soit l’ennemi d’Osiris. Cette lutte d’Osiris et de Typhon, du bon et du mauvais génie de l’Égypte, qui représentait, dit-on, le combat de la force fécondante du Nil et de l’aridité du désert, cette lutte ne se retrouve point, à ma connaissance, dans les innombrables représentations mythologiques de l’ancienne Égypte. C’est là, je crois, une de ces interprétations philosophiques et physiques de la religion égyptienne, nées tard sous l’influence de l’esprit grec, et qui, sur la foi des écrivains grecs, se sont transmises jusqu’à nous. Je ne sais aucun personnage qui, dans la mythologie figurée sur les monumens égyptiens, joue le rôle de Typhon[1] en guerre avec Osiris.

Quel que soit du reste le personnage hideux dont les images décorent ou plutôt enlaidissent le petit temple appelé par Strabon un Typhonion, la destination de ce temple n’est pas douteuse depuis Champollion ; il était consacré à la maternité de la déesse Athor, qu’on y voit allaitant son jeune enfant. Champollion a reconnu en Égypte plusieurs monumens de ce genre dont le nom égyptien, qu’il a su lire, était Ma Misi, c’est-à-dire lieu de naissance. On y voit en effet la naissance et l’allaitement d’Horus. Les savans de l’expédition d’Égypte n’ont pas manqué de trouver ici des représentations astronomiques. Ils ont en

  1. La déesse à tête d’hippopotame nommée Otph, ou Toph, a peut-être fourni la racine du nom de Typhon ; mais il serait difficile de reconnaître dans ce personnage féminin le Typhon des Grecs.