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détestait les principes. On ne savait pas alors que lord Sidmouth n’occupait plus, à beaucoup près, dans la faveur de George III, la place qu’il y avait eue naguère. Ce prince, qui n’aimait pas l’indépendance des hommes publics, et qui, surtout depuis l’affaiblissement de ses facultés intellectuelles, ressentait une extrême impatience de tout ce qui pouvait lui susciter des difficultés ou seulement des embarras, n’avait pas plus pardonné à lord Sidmouth de s’être séparé de Pitt l’année précédente qu’il n’avait auparavant pardonné à Pitt d’avoir adhéré à la coalition de Fox et de lord Grenville. Suivant toute apparence, il lui sut peu de gré de son alliance avec les whigs, et il ne paraît pas que, pendant toute la durée du cabinet fondé sur cette alliance, il ait eu avec lui des relations plus intimes et plus confidentielles qu’avec les autres ministres.

Lord Sidmouth, en devenant le collègue de Fox et de lord Grenville, leur avait déclaré que, si la question de l’émancipation des catholiques qu’on était convenu de laisser dormir était jamais reproduite, il se réservait de repousser cette grande innovation. Cette réserve avait rencontré d’autant moins d’objections ; qu’avec les dispositions bien connues du roi aucun ministère ne pouvait penser alors à proposer une réforme entourée d’ailleurs de tant de difficultés. Bien que ce point de dissentiment se trouvât ainsi écarté, bien que lord Sidmouth n’eût qu’à se louer des procédés personnels des autres membres du conseil, qu’il rendit justice à leur caractère et, à leurs talens, et que Fox exerçât même sur lui la séduction à laquelle échappaient rarement ceux qui se trouvaient en rapport avec cet homme extraordinaire, sa situation était délicate et pénible dans un cabinet où dominaient des opinions et des sentimens si différens des siens. Il n’approuvait pas l’ensemble des mesures prises pour la défense du pays et qui lui semblaient peu proportionnées, soit à la grandeur des périls, soit à l’étendue des ressources ; pour la première fois, écrivait-il à l’un de ses plus intimes confidens, la sûreté de l’Angleterre lui paraissait véritablement compromise, et il craignait de se trouver réduit à la nécessité de dénoncer à la chambre des lords l’insuffisance des préparatifs militaires. Sur une autre question qui, il est vrai, comportait davantage une divergence d’avis entre les conseillers de la couronne, il se trouva en désaccord public avec les chefs du ministère : il combattit avec beaucoup de force, quoique sans succès, le bill proposé pour l’abolition immédiate de la traite des noirs ; il voulait y substituer, comme plus efficaces, une abolition graduelle et des dispositions combinées pour améliorer le sort des esclaves. Il se montra également contraire à une proposition ministérielle qui, sous prétexte de régulariser la condition des Irlandais catholiques appelés à faire en Angleterre un service militaire, tendait en effet à diminuer un peu les incapacités encore inhérentes à ceux des sujets britanniques qui professaient la religion romaine. En cette occasion, lord Sidmouth se