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avoir eu le temps d’organiser sa liberté intérieure et de résoudre des questions d’où dépend l’existence même de la Grèce. Dans ces circonstances difficiles, le rôle de la France est tracé. Si elle a des conseils à donner, ils doivent être pour la continuation de l’œuvre de Coletti, sans esprit exclusif, et, s’il le faut, en élargissant la base. Après M. Coletti, qui avait une notabilité européenne, les affaires vont tomber entre les mains d’hommes contre lesquels la France ne saurait avoir de préventions anticipées ; elle n’a qu’un désir, dont personne en Europe ne peut révoquer en doute la sincérité : c’est de voir s’affermir à Athènes la monarchie représentative.

Il est curieux de voir les efforts de lord Palmerston pour afficher une politique tout-à-fait distincte de celle de la France sur les points même où ces deux gouvernemens ont un intérêt commun. C’est dans cette pensée qu’il vient de confier une mission extraordinaire à un membre du parti whig, lord Minto, beau-père de lord John Russell. Lord Minto, pour se rendre en Italie, passe par la Suisse. Doit-on penser qu’en voyant les chefs du gouvernement radical, il leur tiendra un langage de nature à exciter encore leurs passions ? En aucune manière. Il n’ira pas plus loin dans sa conversation que M. Peel dans la note remise à M. Ochsenbein, et le fond de cette note, nous l’avons dit, était sage et pacifique. Quel intérêt a l’Angleterre à provoquer une guerre civile à la suite de laquelle pourraient venir des interventions étrangères qui lui déplairaient fort ? Mais lord Palmerston veut se donner les apparences d’une politique plus libérale que la nôtre. C’est sa vanité. Lord Minto ira à Turin. Là sans doute il parlera très haut de l’indépendance de l’Italie, ce qu’on remarquera d’autant plus qu’à la cour du roi de Sardaigne notre diplomatie s’efface trop. Les absences de notre ambassadeur sont fréquentes, et peut-être son langage a-t-il quelquefois blessé les susceptibilités du patriotisme piémontais. Nous aimons assez l’Italie pour ne pas nous plaindre si lord Minto inspirait à la cour de Turin plus de fermeté, tant il importe à la péninsule de trouver chez le roi Charles-Albert de la persévérance dans ses premières résolutions, et de voir ses actes d’accord avec ses paroles, avec certaines lettres dont l’authenticité n’est pas si invraisemblable. A Rome, lord Minto ne saurait avoir un caractère officiel comme à Turin et à Florence. Le parlement n’a pas encore permis au ministère anglais d’accréditer un agent politique auprès du gouvernement pontifical. Ce sera comme voyageur qu’il verra les hommes et les choses. Toutefois il faut considérer sa présence comme une première tentative de la part de l’Angleterre pour nous combattre sur un terrain où nous ne l’avions pas encore rencontrée. C’est ce qui doit éveiller la vigilance de notre diplomatie. A Rome, elle a un représentant habile. Dans quelques semaines, M. Bresson sera rendu à Naples, où la présence d’un ambassadeur français est vivement souhaitée par tous les hommes modérés, parce que dans une époque de réactions politiques elle peut être pour les opprimés une protection.

Si quelquefois les Italiens ont pu trouver dans notre attitude une réserve, une froideur qui les ont blessés, ils ne sauraient mettre en doute pour cela la sincérité des sympathies non-seulement de la France, mais de son gouvernement. Ils ne peuvent méconnaître que tout établit, entre l’Italie qui travaille à se régénérer et la France de 1830, de véritables liens de bienveillance et d’affection. Seulement un gouvernement ne saurait avoir l’allure et le langage d’un parti