Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 20.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raconter comment elle naît ; s’il parle d’élégie, il a tout bas soupiré la sienne ; s’il apprécie le drame, il l’a pratiqué et a eu ses répétitions à son usage ; en philosophie, il est expert. Ainsi nous le trouvons le critique le plus ouvert et le plus sympathique, pénétrant les objets et s’en détachant, d’une impartialité qui n’est pas de l’indifférence, et qui n’est qu’une sensibilité très étendue et rapidement diverse.

Sur les hommes en particulier, sur les auteurs, il se prononce peu et ne tranche pas. Sa politesse, son goût d’homme du monde, lui ont de tout temps interdit les jugemens trop directs et qui entrent dans le vif ; mais, sous forme abstraite, il jette bien des choses. Sur l’auteur des Méditations, par exemple, il en a dit qui étaient fort justes et dont toutes ne sont pas si démenties qu’on le pourrait croire ; il ne s’agirait que de les prolonger et de les poursuivre, sans se laisser arrêter à la superficie des métamorphoses.

Quand le Globe se fit politique, la collaboration de M. de Rémusat devint très active ; quand ce fut un journal quotidien, il en écrivit peut-être les deux tiers. La chute du ministère Villèle avait rouvert le champ à la presse libre ; l’avènement du ministère Polignac l’arma tout entière. A la première idée qu’il eut de fonder le National, M. Thiers, docile à cette sympathie secrète que nous avons dite, fit part de son projet à M. de Rémusat, en lui offrant d’être sur le même pied que lui-même. M. de Rémusat se croyait lié au Globe. On essaya un moment de voir si l’on ne pourrait pas réunir les deux entreprises ; mais, sans parler des questions de personnes, il y avait des divergences de principes sur quelques points, notamment en économie politique. Il fut donc convenu qu’on irait chacun de conserve, sans se nuire et comme pouvant se réunir un jour. Je ne m’attacherai pas à suivre M. de Rémusat dans cette polémique de 1829-1830 ; sa vie de journaliste, il en convient, a été excessivement active, et il est des instans où il le regrette, se disant que ce qu’il a peut-être donné de mieux est perdu et oublié dans ces catacombes. C’est à lui de voir s’il ne pourrait pas faire un jour pour sa critique politique ce qu’il a fait pour sa critique littéraire dans ces deux volumes, c’est-à-dire sauver et rassembler les principales pages en les éclairant. Au reste, si l’homme littéraire en lui a des regrets, l’homme politique n’en doit point avoir ; car ses articles d’alors ont eu tout leur effet, ils ont été des actes. Dans les manifestations de presse qui donnèrent le signal à la révolution de juillet, M. de Rémusat compta de la façon la plus marquée, la plus directe. Il prêta résolûment la main à M. Thiers dans la réunion des journalistes du 26, et poussa aux décisions irrévocables. Le Globe du mardi 27, qui publiait les ordonnances avec la protestation, commençait par ces mots : Le crime est consommé ;… tout ce no du Globe est de lui. Il a fait encore en partie un Globe-affiche publié et placardé le jeudi. Si l’on ajoute un article du lendemain,