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grand regret, et pour sa propre sûreté, de désobéir aux ordres de son roi. Cependant nombre de chevaliers, ses amis secrets ou déclarés, étaient accourus aux barrières dans l’espoir de ménager un accommodement. Tous, jusqu’à ceux-là même qu’il regardait comme ses confédérés et ses complices, lui conseillaient la soumission immédiate ; ils l’engageaient à se réserver pour des temps plus heureux, et à ne pas précipiter sa ruine par une résistance sans espoir. S’il consentait à livrer son château, lui disait-on, il obtiendrait la permission de sortir du royaume, et le roi, satisfait par un exil de quelques mois, lui accorderait bientôt une amnistie complète et la levée du séquestre mis sur ses domaines. Coronel, étonné d’entendre un pareil langage dans la bouche de ceux dont il attendait des secours effectifs, ne perdit pourtant rien de sa résolution et demeura inflexible. « Le roi, répondit-il, est au pouvoir d’Alburquerque. Jamais je ne me livrerai, comme Garci Laso, à mon ennemi mortel. » Pendant ces pourparlers, don Pèdre s’approchait. Pour en finir, on déploya la bannière royale de Castille, et quelques arbalétriers firent mine d’assaillir les barrières du château. À cette démonstration qui n’avait pour but que de constater la rébellion, la garnison d’Aguilar répondit par le cri de guerre de son seigneur qu’elle accompagna d’une volée de flèches. Après quelques traits échangés de part et d’autre, on sonna la retraite. Le chef des arbalétriers vint montrer au roi la bannière de Castille déchirée par des flèches lancées du château. À ce spectacle, l’indignation fut générale, et les amis de Coronel, qui un instant auparavant intercédaient pour lui, se turent et l’abandonnèrent à son sort. Le jour même, il fut déclaré rebelle et traître, et l’on proclama ses biens confisqués et dévolus à la couronne. Il restait à s’en rendre maître. Aguilar était bien fortifié, bien pourvu de vivres et de munitions, et l’armée royale, peu nombreuse d’ailleurs, n’avait point de machines pour en faire le siège. Alburquerque, laissant un petit corps de troupes en observation devant la place, emmena le roi en Castille pour y faire la conquête plus facile des autres châteaux appartenant au rebelle. Sa présence dans le nord était d’ailleurs devenue nécessaire, car les alliés de Coronel commençaient à se montrer.

Dans les Asturies, le comte de Trastamare venait d’entrer par un coup de main dans la ville de Gijon dont il paraissait vouloir faire sa place d’armes. D’un autre côté, don Tello, son frère, âgé de seize ans à peine, déployait son étendard et débutait par un de ces exploits ordinaires aux héros de ce temps. Sortant d’Aranda de Duero, ville qui faisait partie de son apanage, il avait détroussé non loin de Burgos un grand convoi de marchandises en route pour la foire d’Alcalà de Henares. Après ce coup, effrayé à la vue des milices accourant des villes voisines, il gagna en toute hâte son château de Monteagudo sur la