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nous paraît plus près du vrai en donnant à l’art trois origines uniques : le climat, la religion, le caractère national. M. Michiels critique rudement cette théorie. Les trois mobiles de M. Hotho renferment cependant les sept principes générateurs de M. Michiels. Nous qui nous défions avant tout de ces systèmes absolus, nous nous bornerons à signaler, comme les origines probables de l’art dans les Flandres, la tradition ou l’imitation modifiée par le climat, la configuration du pays et par le caractère des habitans. Nous avons montré tout à l’heure quelle pouvait avoir été l’influence traditionnelle, faisons maintenant la part des influences locales.

L’atmosphère brumeuse et variable de la Hollande et de la Belgique, ces contrées humides et froides placées à la limite des pays tempérés et des régions septentrionales, a dû agir diversement sur l’art de la peinture. Elle l’a obligé d’abord à se rapprocher du foyer et à devenir un art domestique au lieu de se répandre au dehors comme ailleurs et d’orner de ses productions des portiques et des temples aérés. De là l’origine et le développement rapide de cette branche de l’art qu’on a nommée la peinture de genre et qui est particulière au génie flamand. Ces mêmes conditions atmosphériques ont donné au coloris de la plupart des peintres flamands et hollandais cette harmonie merveilleuse, mais parfois un peu éteinte, qui caractérise leurs compositions les plus vastes comme leurs moindres ouvrages. Leurs lumières sont ou vagues et indéterminées comme chez les peintres primitifs et des époques intermédiaires, ou puissamment concentrées comme chez Rembrandt, Huysmans de Malines, Peeter Neefs on Decker. C’est fort rarement que chez quelques artistes la lumière se répand avec cette vigoureuse et ardente profusion des contrées méridionales. Rubens, chez les Flamands, nous apparaît comme une singulière et prodigieuse exception.

L’aspect et la configuration du sol des Pays-Bas ont donné naissance au paysage-portrait et aux peintures de marines. Ces plaines verdoyantes, ces plages immenses où une mer blafarde festonne de ses broderies d’argent des sables d’un gris pâle et doré ; ces villes qui semblent sortir des eaux comme autant de citadelles flottantes, et, dans le pays de Namur, les ondulations abruptes d’un sol accidenté, ont inspiré le génie d’imitation des peintres néerlandais. Ils se sont attachés à reproduire ces aspects variés de la nature, abstraction faite de l’homme, avec le même amour que les peintres de l’antiquité mettaient à représenter l’homme lui-même indépendamment de la nature. Le sol s’est animé sur leurs toiles et a pris l’intérêt d’un être réel et vivant.

L’influence du caractère de la race néerlandaise sur les productions de ses peintres n’est pas moins positive. L’imitation est devenue patiente et minutieuse. A l’origine de l’art et chez les écoles primitives de la Flandre, l’artiste qui peignait un crucifiement voulait reproduire