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découvre de nouveaux mérites ; c’est une source féconde, une source inépuisable d’enseignement ; là tout appartient à Raphaël, tout relève de sa seule pensée ; aucun souvenir importun ne vient troubler les inspirations de son génie. L’auteur ne lutte avec personne, il s’efforce uniquement de réaliser le type idéal qu’il a conçu, et sa main obéissante ne fait jamais défaut à son intelligence. Il n’improvise pas, il médite, il veut, et il accomplit sa volonté avec une puissance souveraine.

Il y a deux parts à faire dans les peintures de la Farnésine. Le Triomphe de Galatée est une œuvre exquise, pleine d’élégance, de finesse et de grace, dont la gravure, publiée en France, ne peut donner qu’une idée bien incomplète ; nulle part peut-être Raphaël n’a rivalisé plus heureusement avec l’art antique, et cette rivalité toute spontanée n’a rien qui sente l’imitation. En traitant un sujet emprunté à la mythologie grecque, il devient grec par le style : quoique le temps nous ait dérobé les œuvres d’Apelle et de Zeuxis, il semble que Raphaël ait réussi à les ressusciter pour leur demander conseil. Quant à l’Histoire de Psyché, bien qu’elle se distingue par la variété ingénieuse des compositions, elle est très loin, à mon avis du moins, de pouvoir se comparer au Triomphe de Galatée. Pour s’expliquer l’exécution incomplète, la couleur un peu crue de ces compositions, il suffit d’ouvrir la biographie de Raphaël : il a peint lui-même le Triomphe de Galatée, l’Histoire de Psyché a été peinte par ses élèves. Toutefois, malgré la crudité de la couleur, il règne dans toute l’Histoire de Psyché un charme singulier ; le Banquet des dieux offre une réunion de figures disposées avec un art merveilleux ; la figure de Vénus pour la grace, pour la correction, pour la souplesse du dessin, ne laisse rien à désirer. J’ai vu à Rome, dans les appartemens du prince Borghèse, une fresque détachée du Casino de Raphaël, le Mariage d’Alexandre et de Roxane, empreinte, comme la Galatée, d’une grace athénienne.

Le dernier ouvrage de Raphaël fut la Transfiguration. L’opinion vulgaire veut que ce tableau soit la plus parfaite de toutes ses compositions. Or, cette opinion, il faut bien le dire, est loin de s’appuyer sur la vérité. Si la Transfiguration offre des parties admirables ; si le Christ, Élie et Moïse sont rendus avec une grandeur digne du sujet ; si les apôtre, qui les contemplent d’un œil ébloui, expriment éloquemment par leur attitude la surprise et la confusion, les apôtres placés au pied de la montagne sont loin de mériter les mêmes éloges. On peut admirer la femme agenouillée dont la forme se dessine sous la draperie, on peut étudier avec intérêt les mouvemens convulsifs de l’enfant possédé du démon ; mais cet épisode ne se rattache pas directement au sujet principal : à proprement parler, c’est un sujet distinct. Quant à l’exécution, malgré la sévérité du dessin, elle n’a ni l’abondance, ni la spontanéité