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du pape ne sont pas moins favorables à la réforme qu’il y a six mois. Cet édit organise le conseil des ministres ; il établit la division des divers départemens et règle jusque dans les plus minutieux détails les attributions de chacun d’eux. Le secrétaire d’état pour les affaires extérieures, à qui est déférée la présidence du conseil, sera toujours un cardinal. Cette disposition nous semble impliquer tacitement l’admissibilité des laïques aux autres ministères, il y a convenance, en effet, à ne pas placer des ecclésiastiques à la tête d’administrations comme celles de la guerre et de la police, et l’opinion qui les en éloigne est aujourd’hui assez bien établie à Rome pour permettre d’espérer que ces deux ministères seront occupés par des laïques. Le ministère de grace et de justice était aussi dans la pensée de tout le monde et dans les résolutions du gouvernement destiné à l’avocat Silvani, député de Bologne, président de la section de législation, et dont l’Italie déplore la perte récente. Toutes les autres parties du décret, celle qui établit la responsabilité des ministres, celle qui crée un corps d’auditeurs analogue à celui qui a été annexé à la consulte d’état, méritent une égale approbation. Chaque ministre enfin devra soumettre au souverain un projet de règlement intérieur pour son département. La consulte d’état, de son côté, après de longues discussions, a terminé la rédaction du sien, et elle a emporté à la majorité de 4 voix la publicité des débats. On sait que sur ce point la résistance du gouvernement avait été assez vive, et c’est une véritable victoire d’opposition.

En Angleterre, le trait distinctif d’un ministère whig se manifeste une fois encore dans le déficit du revenu. On peut appeler cela simplement du malheur ; mais c’est du malheur qui se représente régulièrement quand les whigs arrivent au pouvoir. Les chiffres parlent, et ils ont une éloquence irréfragable. Les Anglais ne peuvent pas s’empêcher de voir que, depuis qu’ils ont changé de ministère, ils ont changé de budget. Ainsi, d’après les dernières publications du revenu, la diminution a été, sur le trimestre passé, de plus de 27 millions ; elle a été, sur l’année, de plus de 55 millions. Pourtant le choc produit par le changement des tarifs avait eu son effet, et on ne saurait accuser le free trade tout seul d’avoir ainsi dérangé les sources du revenu public.

Malgré cet état fâcheux du trésor, l’Angleterre paraît se disposer à charger son budget d’une dépense nouvelle. Depuis une quinzaine de jours, la presse anglaise discute gravement les probabilités d’une descente d’une armée française sur les rivages d’Albion. Les Anglais ont cru devoir naguère se moquer beaucoup des fortifications de Paris ; nous pourrions aujourd’hui prendre notre revanche, car, pour eux, il ne s’agit de rien moins que de fortifier toutes leurs côtes. Toute cette panique a eu pour origine une lettre du vieux duc de Wellington, qui, après avoir long-temps circulé dans les clubs, a fini par être livrée à la publicité. Le mémoire du duc sur l’état des défenses nationales est le pendant de la brochure de M. le prince de Joinville sur les forces navales de la France. Toujours est-il qu’on est parvenu à mettre dans la tête du peuple anglais qu’avec les bateaux à vapeur, le roi Louis-Philippe ou son successeur pourrait, en un clin d’œil, jeter cinquante mille hommes sur les côtes de la Grande-Bretagne, et en ce moment-ci John Bull est poursuivi par le cauchemar d’une invasion. En dernier résultat, cette controverse militaire aura pour effet de grossir encore le budget de la guerre et de la marine, car le ministère de lord John