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J’ai cru devoir rapporter en entier cette espèce de manifeste qui exprime si nettement le droit du peuple castillan à se choisir un souverain, et qui fait remonter ce privilège aux temps les plus reculés. Il est curieux de rapprocher cette pièce de la lettre de don Pèdre au roi d’Angleterre. La première proclame la souveraineté du peuple, la seconde la reconnaît implicitement, toutes les deux attestent l’opinion du moyen-âge en Espagne sur une question si longuement et si cruellement débattue dans la suite.

On doit remarquer encore la nature des accusations portées contre don Pèdre. Probablement, en accumulant ainsi tous ces meurtres de femmes, le but de don Henri fut de frapper fortement l’esprit généreux d’Édouard. D’ailleurs, il se soucie peu de prouver ce qu’il avance, et la plupart des crimes qu’il énumère sont loin d’être avérés ; quelques-uns même n’ont été rapportés par aucun historien, et sont mentionnés ici pour la première fois. La mort de don Gil d’Alburquerque, par exemple, est attribuée par Ayala à une cause naturelle ; et cependant on sait avec quel soin ce chroniqueur a enregistré toutes les accusations entassées contre don Pèdre. Je cherche également en vain quelque témoignage qui impute à ce prince la mort de doña Blanca de Villena. Suivant toute apparence, don Henri reproduit tous les bruits populaires répandus contre son ennemi. Il peut sembler étrange de ne trouver dans ce manifeste aucune allusion à la violation des privilèges de la noblesse, cause principale de la haine que don Pèdre s’était attirée. Serait-ce que, devenu roi, don Henri se sentait déjà quelque indulgence pour un pareil forfait ; ou bien a-t-il omis cette accusation, persuadé qu’elle ne devait toucher que médiocrement le fils du roi d’Angleterre ?