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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/64

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était venu à sa rencontre, pour lui faire honneur, comme à son collègue. La favorite, douce et bonne, reçut don Fadrique les larmes aux yeux, et montra tant de tristesse à sa vue qu’il en fut un peu surpris, bien éloigné cependant de soupçonner la cause de l’émotion extraordinaire causée par sa présence. Seule avec l’infant et Perez Sarmiento, elle connaissait les desseins du roi et avait essayé vainement de le fléchir. Après avoir embrassé les filles de Marie, qu’il nommait ses nièces, le maître de Saint-Jacques descendit dans la cour de l’Alcazar, où il comptait retrouver ses gens et sa monture ; mais les portiers avaient reçu l’ordre de faire évacuer la cour et de fermer les portes. Persuadé que cette consigne ne pouvait le regarder, il demandait qu’on fît avancer sa mule, lorsqu’un de ses chevaliers, nommé Suero Gutierrez, remarquant dans tout le château un mouvement inaccoutumé, s’approcha de lui. « Monseigneur, dit-il, la poterne est ouverte, sortez ! Une fois hors de l’Alcazar, les mules ne vous manqueront pas. » Comme il le pressait, survinrent deux chevaliers de l’hôtel, qui l’avertirent que le roi le demandait. Don Fadrique obéit aussitôt et se dirigea vers l’appartement du roi, qui occupait alors un des bâtimens compris dans l’enceinte de l’Alcazar, et qu’on nommait le palais de fer[1]. A la porte se tenait Pero Lopez Padilla, chef des arbalétriers à masse de la garde, avec quatre de ses gens. Don Fadrique, toujours accompagné du maître de Calatrava, heurta à la porte. Un seul des battans s’ouvrit, et l’on entrevit le roi, qui cria aussitôt : « Pero Lopez ! arrêtez le Maître ! — Lequel des deux, sire ? demanda l’officier, hésitant entre don Fadrique et don Diego de Padilla. — Le maître de Saint-Jacques ! » répondit le roi d’une voix tonnante. Aussitôt Pero Lopez, saisissant le bras de don Fadrique, lui dit : « Vous êtes mon prisonnier. » Don Fadrique, atterré, ne faisait aucune résistance, lorsque le roi cria : « Arbalétriers, tuez le maître de Saint-Jacques ! » Un instant, la surprise, le respect pour la croix rouge de Saint-Jacques, tinrent ces hommes immobiles. Alors un des chevaliers de l’hôtel, s’avançant à la porte : « Traîtres ! que faites-vous ? dit-il ; n’entendez-vous pas que le roi vous commande de tuer le Maître ? » Les arbalétriers levaient la masse, lorsque don Fadrique, se dégageant avec vigueur de l’étreinte de Pero Lopez, s’élança dans la cour et voulut se mettre en défense. Mais la croisée de son épée, qu’il portait sous le grand manteau de son ordre, s’était engagée dans le ceinturon et il ne pouvait dégaîner. Poursuivi par les arbalétriers, il courait çà et là par la cour, évitant leurs coups et ne pouvant parvenir à tirer son épée. Enfin un des gardes du roi, nommé Nuño Fernandez, l’atteignit d’un coup de masse à la tête et l’abattit. Ses trois compagnons le frappèrent aussitôt à coups redoublés. Il était étendu par terre et

  1. Ou de stuc. Les manuscrits offrent cette variante : hierro ou yeso.