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Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 21.djvu/776

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 février 1848.


Après trois semaines de discussions, après des débats d’une vivacité peu ordinaire, la chambre a voté son adresse. Le parlement a montré plus d’animation qu’il n’y en a réellement dans le pays. Il ne faut pas se plaindre de ce contraste, car il est un des bons résultats du gouvernement constitutionnel, qui concentre l’agitation dans la sphère élevée des grands pouvoirs, pendant que la société vaque à ses affaires avec une activité régulière et paisible. C’est ce qu’il faut bien comprendre, si l’on ne veut pas vivre dans des transes continuelles et maudire la liberté. Pour nous, en assistant à ces grandes luttes parlementaires dans un moment où, de toutes parts en Europe, on emprunte ou on imite nos institutions, nous avons plutôt éprouvé un sentiment d’orgueil national, en voyant ce que le régime représentatif avait chez nous fécondé de talens éminens. La supériorité qu’a montrée la France dans les lettres et dans la guerre ne l’abandonne pas à la tribune.

Quels sont les résultats politiques de la longue campagne par laquelle la session vient de s’ouvrir ? Est-il vrai, comme l’a dit un des plus ingénieux adversaires du cabinet, M. de Rémusat, que la majorité soit désorganisée, et que sur la question des réformes le ministère n’ait pas d’avis ? Dans la majorité, il y a d’excellens instincts et de petites passions, le désir sincère de servir et de défendre les intérêts généraux du pays, puis des calculs mesquins d’ambition ou de vanité individuelle. N’est-ce pas là l’histoire de tous les grands partis qui ont possédé long-temps le pouvoir dans les états libres ? Il est un fait principal constaté par les discussions même qui ont si fort passionné la chambre, c’est que la pensée d’utiles réformes n’est repoussée par personne au sein de la majorité conservatrice. Le langage de tout le monde l’atteste. Personne ne s’est fait le défenseur systématique de l’immobilité. Que dans notre siècle on ne puisse vraiment maintenir l’ordre au sein d’une société qu’en y développant tous les germes de perfectionnement et de grandeur, c’est là désormais un lieu commun qui ne saurait rencontrer de contradiction ; mais dès qu’on arrive à la pratique