Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 22.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travail ; » mais il ne trouva rien au-delà. « Vous voyez bien, reprit son interlocuteur, que l’organisation du travail n’est pas une chose si facile. » L’ouvrier, cependant, aurait pu mettre les rieurs de son côté et renvoyer la leçon au gouvernement provisoire. Il ne réclamait en effet que ce qui lui avait été promis ; il se montrait pressé, parce que l’on avait excité son impatience ; il supposait le problème résolu, parce qu’on l’avait convié, avec tant d’autres, à mettre la main à l’œuvre. L’humble maçon arrivait avec sa truelle, demandant à grands cris à voir le plan et à connaître l’architecte ; pourquoi l’arracher à son labeur quotidien, si l’on n’avait à bâtir qu’une ville dans les nues ?

Par un décret en date du 25 février, le gouvernement provisoire a déclaré que « la république s’engageait à garantir du travail à tous les citoyens, et l’existence de l’ouvrier par le travail. » En d’autres termes, il a proclamé ce que l’on est convenu d’appeler, dans l’école sociétaire, « le droit au travail. » Mais le gouvernement ne pouvait pas s’en tenir au principe abstrait, à une formule philosophique. Reconnaître à tous les citoyens le droit d’exiger que la société les fasse travailler, c’est admettre par cela seul que la société doit les nourrir. Nous voyons donc sans la moindre surprise qu’en garantissant le travail à l’ouvrier, le gouvernement provisoire lui ait aussi garanti l’existence ; mais il faut voir où cela conduit. En proclamant le droit au travail, MM. Garnier-Pagès et Louis Blanc ont érigé l’état en assureur de toutes les fortunes et en entrepreneur de toutes les industries ; ils ont décrété implicitement un maximum pour le prix des denrées, et un minimum pour le taux des salaires. Voilà le baptême par lequel ils ont consacré le pouvoir nouveau.

Le droit au travail est une question mal posée. Je rends hommage aux intentions de ceux qui ont prétendu l’ériger en principe ; en appelant la société au soulagement des misères individuelles, ils ne veulent pas avoir l’air de provoquer ni d’encourager l’oisiveté. Ils demandent du travail comme au moyen-âge on demandait l’aumône ; aux largesses des couvens, ils substituent celles des ateliers nationaux. La taxe des pauvres était déjà un progrès sur la subvention allouée à la mendicité par les ordres religieux ; fera-t-on un pas de plus, et sera-ce un pas en avant que d’imposer à la société une sorte de taxe des salaires ?

Le droit au travail suppose l’existence permanente, la puissance indéfinie de la production, quelles que soient les circonstances, et quelle que puisse être l’organisation de la société. Quelle valeur aurait en effet un principe que l’on placerait en dehors des régions du possible ? Or, il n’existe pas d’état social qui assure la permanence, ni la régularité même de la production. Qu’une crise commerciale survienne, ou qu’un ralentissement quelconque dans la consommation rende l’offre supérieure à la demande, et vous verrez un certain nombre d’ateliers diminuer