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mot de la province. De toute manière, c’était là un tort. La province est aussi la France ; à ce titre, elle a droit à sa part de toutes les améliorations. Pour excuser un oubli étrange, on l’accuse de paresse, d’inertie intellectuelle. Ceux qui parlent ainsi ne la connaissent pas. C’est pour avoir vécu près de quinze ans, soit comme élève, soit comme professeur, dans les principales villes de province que nous avons le droit de prendre leur défense. Toulouse, Montpellier, Strasbourg, renferment tous les élémens nécessaires pour devenir de véritables centres intellectuels. Chaque jour, il se dépense dans ces villes une somme de travail considérable, et, si les résultats ne sont pas proportionnels, la cause en est au défaut de direction. Que Paris, dont la supériorité est incontestable, daigne s’intéresser à ces efforts et les guider ; que les travaux accomplis hors de la capitale puissent compter sur une juste rémunération, et l’on reconnaîtra bien vite la vérité de nos paroles.

Toutefois est-il nécessaire de répéter sur d’autres points l’ensemble d’institutions que nous venons d’indiquer ? Non, certes. Paris, tête et cœur de la France, réunit au plus haut degré tous les genres d’activité. À ce titre, l’enseignement devait y être complet, et, pour atteindre ce but, une division portée très loin était nécessaire. En province, il n’en est pas ainsi. Sans doute, certains besoins généraux réclament l’emploi de moyens identiques pour être satisfaits. Partout l’enseignement des lycées devra être le même. Des facultés, distribuées dans les principales villes, devront posséder à peu près les mêmes moyens d’instruction qu’à Paris ; mais ces facultés de province devront représenter à la fois la faculté et le Collège de France de Paris. A chacune d’elles seront annexées une ou plusieurs écoles spéciales en rapport avec les tendances propres aux contrées environnantes. Strasbourg, Montpellier, ont déjà leur école de médecine ; Toulouse, son école vétérinaire. Une école d’agriculture serait en outre parfaitement placée dans cette dernière ville, située au centre du bassin le plus essentiellement agricole de France. Une école de mécaniciens et de chimistes est presque indispensable à Lyon, et une institution pareille établie à Strasbourg rendrait d’incontestables services à l’Alsace industrielle.

L’établissement de centres secondaires pour l’enseignement supérieur nous paraît un des moyens les plus propres à relever la province de son infériorité, à répandre partout les connaissances scientifiques que réclame le temps présent ; mais, pour que des espérances si légitimes puissent se réaliser, il faut que ces centres soient fortement organisés. Sous ce rapport, le gouvernement aura beaucoup à faire. Dans les dernières années de la monarchie, les exigences parlementaires ont fait multiplier outre mesure les facultés des sciences. On a disséminé des ressources d’action qu’il eût été plus utile de concentrer sur quelques points bien choisis. Toutefois nous ne demanderons la suppression