Page:Revue des Deux Mondes - 1848 - tome 23.djvu/787

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Goudchaux s’est opposé avec succès à ce qu’on votât 20 millions de travaux extraordinaires dont il ne savait où prendre les fonds, et rassemblée a reculé devant la responsabilité que son ministre des finances rejetait sur elle, en abdiquant toute initiative administrative au cas où l’initiative parlementaire ne lui laisserait plus sa liberté. Hélas ! le lendemain du jour où il avait économisé 20 millions, l’honorable M. Goudchaux endossait les 200 millions que l’assemblée tirait sur lui pour terminer les travaux du chemin de fer de Lyon, qui a été décidément racheté à la compagnie, et dont il faut entretenir les 120,000 ouvriers auxquels la compagnie donnait à vivre. Comment faire face à ces indispensables dépenses avec un budget aussi péniblement équilibré, sans rentrer dans les crédits extraordinaires ?

Ce chapitre infini de nos anciens budgets se rouvrira sans doute aussi, et bientôt et forcément pour la marine comme pour les travaux publics. Voici comment. On se rappelle que lorsque M. Goudchaux, après les événemens de juin, entra dans le ministère, il voulut présenter à l’assemblée un exposé de la situation financière moins contestable et moins chimérique que celui de MM. Duclerc et Garnier-Pagès. Il demanda donc à ses bureaux qu’on lui préparât, dans le plus court délai possible, les élémens d’un budget pour 1849, mais en l’enfermant dans les limites du budget de 1846 dont les comptes venaient d’être réglés. La condition était absolue ; c’était un lit de Procuste sur lequel devait s’étendre l’administration du nouveau gouvernement. Les directeurs du département des finances, pour être plus certains d’exécuter la pensée du ministre, ne crurent avoir rien de mieux à faire que de prendre comme base de leur travail le règlement définitif de l’exercice 1846. Or, ce règlement ne contenait pas le service colonial, qui, aux termes d’une loi de finances, ne rend ses comptes qu’un an après le service métropolitain. Dans la précipitation du moment, cette circonstance passe inaperçue, et M. Goudchaux déroule ses propositions à l’assemblée nationale d’après les données incomplètes qui lui ont été fournies. Grande rumeur au ministère de la marine. On aperçoit l’omission commise, on réclame vivement pour qu’elle soit réparée ; mais il est trop tard : tout le plan du ministre des finances serait renversé, s’il fallait y faire rentrer une allocation de 25 à 30 millions de plus. M. Goudchaux prévoyait déjà qu’il aurait peine à obtenir de la chambre l’impôt sur les hypothèques, qui représentait approximativement cette somme. S’il se rendait aux instances de son collègue de la marine, il serait donc dans l’obligation de chercher des ressources nouvelles pour près de 60 millions. C’était trop. Il ne s’est pas senti le courage de tenter un si grand effort, et M. de Verninhac est absolument contraint de suppléer par son habileté administrative à l’argent qu’on lui refuse. Il n’y a pas d’habileté qui tienne. Le nouveau ministre de la marine, par une circulaire du 2 août, a enjoint aux préfets maritimes d’économiser, sur un certain nombre d’objets désignés dans leurs services, la somme dont il a besoin pour l’administration des colonies. Or, ces objets ne comportant au budget qu’une dépense de 13 millions, il est bien difficile d’y trouver une économie de 30. Il n’est donc qu’une planche de salut pour le ministre, ce sont encore les crédits extraordinaires.

Au moment où nous finissons ces lignes, les circonstances extérieures prennent un aspect assez grave pour rendre le gouvernement encore plus sévère, s’il est possible, dans le maniement de nos deniers, pour l’engager cependant aussi à donner en même temps aux forces défensives de la France toute l’étendu-