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braves frères Huniady, qui reçurent l’ordre de se porter vers Stuhlweissenbourg, à la rencontre de Jellachich. Cependant, dans un de ces brûlans discours qui remuent si profondément le patriotisme énergique de toute assemblée hongroise, Kossuth électrisait la chambre en demandant aux députés de venir avec lui, « la pelle à la main, travailler aux fortifications de la ville, déplacer les pavés, élever les barricades, tandis que les femmes feraient chauffer au haut des maisons de la poix et de l’huile bouillante pour les jeter sur l’ennemi. »

Évidemment, ce n’était plus seulement contre le ban que le gouvernement de Pesth allait avoir à lutter ; le gouvernement autrichien, encouragé par la marche rapide de Jellachich, par la désapprobation que la dernière tentative des Hongrois avait rencontrée dans l’assemblée nationale, se décidait à agir avec vigueur, et renonçait le premier aux mensonges réciproques que la diète et lui échangeaient depuis près de six mois. Il nommait un commissaire extraordinaire qui devait concentrer dans sa main tous les pouvoirs, et l’empereur, roi de Hongrie, s’adressait directement à son peuple. « J’ai connu la désolation de mes fidèles sujets de la Hongrie, disait-il dans son manifeste, et je suis décidé à y porter remède ; je jeux ramener la paix dans ce royaume si misérablement troublé et rétablir avec les droits de ma couronne, la tranquillité et la liberté de tous. A cet effet, et en l’absence du palatin du royaume, j’ai investi de tous mes pouvoirs mon maréchal-de-camp comte Lamberg, et lui ai confié le commandement supérieur de toutes les troupes qui sont actuellement en Hongrie. »

Le comte Lamberg arriva à Pesth le 29 septembre. Les radicaux avaient résolu la veille de s’opposer ouvertement et par la force au décret de l’empereur, et préparé l’arrestation du commissaire extraordinaire. Pendant la nuit, des faux et des fourches avaient été distribuées aux paysans ameutés dans la campagne. Pesth, la nouvelle capitale, sur la rive gauche du Danube, et Bude, l’antique séjour des pachas turcs, forment une ville de cent cinquante mille ames environ, réunie par un pont de bateaux. Lamberg se dirigea d’abord vers la forteresse, située sur les hauteurs de Bude ; il voulait conférer avec le commandant Hrabowsky. Il était sans escorte ; il semble ou n’avoir pas compris les dangers de sa mission, ou avoir voulu les défier par sa contenance. A peine était-il sorti de la forteresse, qu’une bande armée se précipita dans l’appartement de Hrabowsky, demandant à grands cris qu’on lui livrât le général. Ils fouillèrent en vain l’appartement, et le commandant fut au moment d’être la victime de leur rage. Cependant Lamberg traversait, dans une voiture de place, le pont du Danube ; une troupe d’hommes brandissant de longues faux arrête la voiture ; un de ces misérables porte au général un premier coup derrière la tête,