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les plus séduisans pour le libéralisme des Hongrois, proposa au général Chrabowski, commandant de leurs troupes à Peterwardein, un arrangement en quatre articles. Par cette convention projetée, qui exigeait des Magyars leur consentement à l’union fraternelle des Slaves autrichiens, les Croates s’engageaient à demander le rappel de toutes les troupes slaves employées par l’empereur en Italie et à envoyer au roi Charles-Albert une députation chargée de négocier avec lui une alliance offensive. La question d’Italie se trouvait ainsi résolue. Il n’existe donc point chez les Slaves ni chez les Croates eux-mêmes de préjugé ni de haine contre l’Italie, et si les Illyriens veulent assurer la majorité aux Slaves dans une diète générale des peuples autrichiens, leur intérêt leur conseille d’éloigner l’Italie de cette fédération.

L’Autriche slave, loin de blesser aucune des sympathies, aucun des intérêts de la France, semble, on le voit, destinée à les servir au-delà de toutes les prévisions. Les Slaves autrichiens cessent d’être enchaînés à la fortune et aux alliances de l’Allemagne ; ils sont hostiles à la Russie, contre laquelle ils ont leur individualité et leur quasi-indépendance à défendre. Enfin, sans nuire à l’émancipation de l’Italie, ils rendent possible l’affranchissement de la Pologne. Il se peut, sans nul doute, que les événemens ne suivent pas de point en point cette marche régulière tracée par les slavistes et ne conduisent pas les peuples à ce grand but ; il se peut que des conjonctures inattendues, la lassitude des esprits, les impatiences, les témérités individuelles, changent ou modifient le cours de ces destinées ; il se peut qu’au lieu de se développer logiquement, suivant les conseils de la raison, le mouvement des nationalités entre dans les voies inconnues du hasard et de la force, et s’accomplisse en laissant derrière lui des flots de sang. Nous ne souhaiterions pas ce malheur à nos ennemis : encore moins devons-nous l’appeler sur la tête de peuples amis dont la prospérité serait la nôtre, et dont l’indépendance deviendrait en Europe la garantie de nos révolutions.

La Pologne et l’Illyrie, l’une et l’autre quasi-françaises sous l’empire, sont animées d’une égale sympathie pour la France. Ce dévouement de la Pologne, cette reconnaissance de l’Illyrie, offrent à notre politique les plus puissans moyens d’action sur les mouvemens à venir de ces dix-sept millions de Slaves autrichiens, auxquels se rattachent d’un côté les Polonais de la Prusse et de la Russie, et de l’autre les Illyriens de la Turquie. L’intérêt de l’insurrection anti-slave de Vienne, l’embarras de quatre millions de Magyars hostiles au principe de l’égalité des nationalités et emprisonnés au milieu du continent, nous semblent en vérité de moindre importance que la situation et l’avenir de quarante millions de Slaves polonais, tchèques et illyriens, appuyés