sa parole habile, sûre, élégante, n’accouche pourtant pas d’autre chose. En sa qualité de candidat-ministre, M. Billaut devrait savoir que les questions de cabinet se posent plutôt toutes seules qu’elles ne se laissent poser. M. Billaut les manque toujours, parce qu’il les apporte toutes faites à la tribune. C’est ce que l’assemblée a bien saisi, et, quoiqu’elle n’ait pu guère entendre M. Barrot brutalement assailli par la montagne, elle a condamné M. Billaut sur son propre discours. La proposition Rateau a passé à trois voix de majorité. Que l’on songe seulement à toutes les hostilités qu’elle rencontrait, on verra que M. Billaut a dû beaucoup la servir, aussi son ministère est-il retombé dans les limbes.
Le grand reproche que s’adressaient réciproquement le cabinet et l’assemblée durant cette rude séance, c’était de ne rien faire. Il y a du vrai de part et d’autre, et la faute en est à la situation plus qu’aux personnes ; c’est donc la situation qui doit changer. Il est cependant une œuvre dont nous prenons note au milieu de cette quinzaine si peu remplie, ce sont les rapports de M. de Falloux. Nous l’avions dit, M. de Falloux devait marcher à visage découvert ; il indique, dès son premier pas, le but où l’on ne marchait avant lui que par des voies détournées ; il entend, à ce qu’il parait, transformer l’université en corporation spéciale et lui donner un grand-maître qui ne soit pas le ministre de l’instruction publique. Ce serait là cantonner à part l’enseignement de l’état, ce serait ébranler l’unité de l’enseignement, qui est une des conditions vitales de l’unité de la France. Les commissions nommées par M. de Falloux et présidées par M. Thiers ne s’enfermeront probablement pas dans le cercle qu’on a semblé leur tracer, et elles sont d’ailleurs composées d’élémens trop réfractaires pour aller très vite en besogne. Nous attendons ainsi sous toutes réserves. Ces réserves, nous les exprimons, parce qu’en déplorant la licence et l’erreur qui ont désolé notre pays, nous ne voulons pas cependant désespérer encore des règles de raison et de liberté dans lesquelles nous avons cru jusqu’à présent. Nous ne nous méprenons pas sur la pensée qui anime M. de Falloux et ses amis en face d’une institution dont l’esprit remonte aux sources de 89 ; nous apprécions cette pensée, nous n’y cédons pas. Si jamais il y eut une séduction légitime dans le principe d’autorité, si jamais on ajustement senti le désir de rendre obéissance, c’est aujourd’hui ; mais, dans cette passion même d’abaissement et d’humilité qui sait les ames bien placées au spectacle de tant d’orgueilleuses folies, n’allons point pourtant renier les conquêtes sérieuses que nous a léguées le progrès patient des âges. Aimons l’autorité plus que nous ne l’aimions, et gardons toutes les libertés, celle du penseur comme celle du citoyen : voilà le problème. Ce qui nous plaît surtout dans le dernier livre que M. Guizot nous adresse du fond de sa retraite, c’est qu’après les rudes expériences de sa fortune, il ne consent pas encore à poser le problème autrement.
Le plus triste résultat de l’anarchie, c’est en effet le découragement et l’impuissance des vrais amis de la liberté. Après ces convulsions violentes qui troublent toutes les idées et qui ébranlent tous les intérêts, il semble qu’il n’y ait plus de ressource pour la société que du côté des vieux principes, dont elle avait déjà fait bon marché depuis long-temps ; elle y retourne par une sorte d’impulsion naturelle, et leurs plus obstinés partisans retrouvent le crédit qui leur manquait lorsqu’ils avaient devant eu des adversaires raisonnables. Ceux-ci se tiennent à l’écart, parce que leur mauvais succès les a mis en doute d’eux-