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travail des cultures peut compromettre la prospérité des dessas. Si chaque homme est libéré de 7 florins 50 (cuivre) par le seul fait de sa participation au travail des cultures, une fâcheuse confusion ne peut manquer de s’introduire dans l’administration du dessa. Comment un chef peut-il répartir également l’impôt sur toutes les terres sans léser les droits de propriété garantis aux habitans par les règlemens et particulièrement par l’article 14 de l’arrêté du 4 janvier 1819 ? L’effet inévitable de cette mesure doit être de faire rentrer les Javanais, dans un avenir prochain, sous la domination des chefs des districts et des prêtres, domination dont l’action du système de l’impôt territorial les avait en partie délivrés. Les meilleures sawas deviendront la propriété exclusive des chefs de ces deux catégories, et les cultivateurs n’auront que des terres de qualité inférieure, d’où ils retireront à peine le riz nécessaire à la subsistance de leur famille. Le sort des basses classes sera alors pire que celui des esclaves, car toutes les charges seront pour elles, et tous les bénéfices, fruit de leurs sueurs, resteront en partage aux chefs et aux prêtres.

L’état des provinces, autrefois pays princiers, à l’ouest du Banjoumas, avant que le gouvernement néerlandais en eût pris possession, et même celui des Préanguers, témoignent des conséquences ruineuses d’un tel système pour le bien-être des propriétaires. Il ne faut pas s’imaginer, en effet, que tous les régens de Java soient de la trempe des anciens patriarches, auxquels on les a comparés. Les mobiles ordinaires de leurs actions sont l’intérêt et l’orgueil, et j’ai entendu dire à des personnes qui, pendant vingt ou trente années de séjour dans la colonie, ont pu étudier les rapports ordinaires de la population avec ses chefs, qu’à l’exception de quelques employés européens qui ont été de véritables fléaux pour les provinces qu’ils ont administrées, les Javanais ne connaissaient pas de plus grands oppresseurs que leurs propres chefs. Il ne faut pas oublier, d’ailleurs, que le système des revenus fonciers est le palladium de la prospérité financière, des Indes néerlandaises, et que la perception régulière de l’impôt, la livraison exacte des produits, dépendent entièrement de la bonne administration des communes. Il faut que les caisses et les magasins du gouvernement se remplissent par les soins des chefs indigènes, et que les autorités hollandaises n’aient d’autre souci que de faire contrôler les rentrées. Se flatter de faire concorder partout et en tout temps le système des cultures avec celui des revenus fonciers, ce serait se tromper étrangement. L’incertitude des récoltes, les fluctuations de prix, sont autant d’obstacles insurmontables à une pareille combinaison.

En somme, le vrai, l’immense bienfait du système des cultures, c’est d’avoir permis d’agir utilement sur le caractère indolent des Javanais en respectant leurs usages, c’est d’avoir amélioré la condition du cultivateur,