abbé de Saint-Bertin, obtient du pape Alexandre III l’autorisation de percevoir la dîme sur la pêche des harengs dans toute l’étendue des côtes du Calaisis. Les pêcheurs refusent unanimement de se soumettre à cette charge. Un seul promet d’acquitter fidèlement l’impôt ; « mais, ajoute-t-il, la dîme doit se lever sur place : la mer est mon champ, et j’aurai soin d’y laisser le dixième de la récolte. » Cette querelle entre le pasteur et les ouailles dura plusieurs années, et se termina, comme tant d’autres, par une transaction.
S’il est aujourd’hui bien démontré que les Hollandais n’ont pas inventé l’art de saler le hareng, il n’en faut pas moins reconnaître qu’aucun peuple n’a su aussi bien qu’eux exploiter cette branche d’industrie et de commerce. Toutefois les commencemens furent difficiles. Pendant près de quatre siècles, la Hollande, malgré les encouragemens de toute sorte prodigués par ses comtes aux pêcheurs de harengs, arma seulement de modestes bateaux qui ne jetaient jamais bien loin du rivage leurs filets, nécessairement fort peu étendus ; mais, vers le commencement du XVe siècle, les souverains scandinaves, voulant arrêter le développement de plus en plus redoutable des villes anséatiques, ne trouvèrent rien de mieux que d’appeler sur leurs côtes les marins hollandais, et de leur permettre d’établir des pêcheries sur les côtes de Scanie. L’exemple de Hambourg et de Lubeck était séduisant. Les Hollandais construisirent de grands navires de pêche appelés buyses, et inventèrent les grands filets employés encore aujourd’hui. À la même époque, en 1416, Beukelings, par ses procédés de paquage, fit une véritable révolution dans l’art de conserver les harengs. La supériorité incontestable des poissons préparés de cette manière discrédita le produit de toutes les autres pêches, et assura pour ainsi dire aux Hollandais un monopole dont ils reconnurent bientôt toute l’importance. Aussi, lorsque Beukelings mourut, sa patrie reconnaissante lui éleva un monument que tout bon Hollandais vénère, et sur lequel, en 1556, Charles-Quint et sa sœur, la reine de Hongrie, se partagèrent un hareng en buvant à la mémoire du simple pêcheur.
Ces honneurs n’avaient rien d’exagéré. L’invention de Beukelings fit bientôt d’un petit peuple une nation puissante. Encouragés par le succès, les pêcheurs hollandais multiplièrent leurs établissemens en Scanie et poussèrent leurs flottilles jusque sur les côtes orientales des îles Britanniques, en particulier sur les fonds d’Yarmouth, où se fait encore aujourd’hui une des pêches de harengs les plus considérables. Inquiétés d’abord par les Anglais, ils obtinrent, en 1494, le traité connu sous le nom d’intercursus, en vertu duquel les pêcheurs des deux nations pourront pêcher librement partout. À partir de ce moment, l’esprit d’entreprise se développa rapidement chez eux. Dès la fin du XVe siècle, on voit 6 à 700 buyses faire jusqu’à trois voyages par année et rapporter