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Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/475

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temps, son établissement prit un grand développement. Il se livrait principalement à la culture, à l’élève des bestiaux, et entreprenait en grand la chasse des buffles. Il noua des relations commerciales avec les colonies russes de Ross et Bodéga, situées sur la côte de la Nouvelle-Californie un peu au nord du 38° degré, et finit par acheter du gouvernement impérial ces deux postes, moyennant 30,000 dollars. Le capitaine Suter possédait déjà en 1842 mille chevaux et deux à trois mille pièces de bétail.

Il y a dix mois environ, il voulut établir une scierie et chargea un mécanicien, M. Marchal, de la construire. On éleva une écluse pour barrer un petit cours d’eau qui devait faire tourner la roue du moulin ; mais la rigole qu’on creusa se trouva trop étroite, et la chute d’eau ne fut pas assez forte pour faire tourner la roue du moulin. Afin de déblayer la rigole, M. Marchal fit un barrage à la hauteur de l’écluse ; puis, quand une masse d’eau considérable s’y fut engagée, il ouvrit l’écluse, et la violence de l’eau, en se précipitant, déblaya brusquement le canal. Il en résulta qu’au bas de la chute d’eau s’amoncela une grande quantité de boue et de gravier. Un jour qu’il se promenait le long du canal, M. Marchal, jetant par hasard les yeux sur ce tas de sable et de cailloux, remarqua des morceaux d’or qui reluisaient ; il les ramassa, s’assura que c’était effectivement de l’or, et les porta au Capitaine Suter. Malgré le secret qu’on convint de garder, la nouvelle de la découverte se répandit bientôt dans les alentours, et la population du petit port de San-Francisco, situé à environ vingt-cinq lieues, ne tarda pas à savoir que de l’or en masse considérable existait sur les bords du Sacramento. C’est, comme on le voit, au plus grand des hasards qu’on doit la découverte de ces mines d’or de la Californie, dont on raconte tant de merveilles depuis quelques mois.

Cette nouvelle extraordinaire ne fut pas plutôt propagée dans le pays, que toute la population européenne et indigène se porta avec une excessive ardeur à la recherche du métal précieux. La petite ville de SanFrancisco elle-même fut bientôt vide. Le gouverneur américain, le colonel Mason, vit la désertion se mettre dans les rangs de ses soldats, et l’on prétend qu’abandonné de ses domestiques, il fut, comme les autres officiers, réduit à faire lui-même sa cuisine. La masse or que chaque travailleur pouvait recueillir en un jour était si forte, que les hommes de toutes professions quittèrent leurs affaires pour se faire chercheurs d’or. On abandonna maisons, boutiques, champs, fermes, et bientôt toute la population n’eut plus qu’une seule préoccupation, celle de ramasser l’or.

Il est difficile de se rendre un compte exact de la manière dont les choses se sont passées depuis six mois dans ce nouvel Eldorado. Les journaux américains méritent en général peu de confiance, et, il